DÉCEMBRE 2015

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L'eau gelée de la douche coulait sur mon corps depuis plus de dix minutes déjà, mes cheveux trempés couvraient la totalité de mon visage alors que mes bras encerclaient mes jambes. Je m'étais recroquevillée sur moi-même dans la baignoire, mes dents claquées et mon corps tremblait entièrement. J'avais l'impression qu'on m'assenait d'une centaine de coups de couteau lorsqu'une goutte d'eau touchait ma peau. Ça me rappelle un film que j'avais vu au ciné avec Océane, un film où toute l'histoire se résume à une seule scène. Un homme qui pêchait sur un lac gelé au Canada si je me souvenais bien. Le lac s'est brisé et l'homme est tombé, il est tombé dans l'eau frigorifique et son souffle s'est directement coupé. Ça pourrait paraître basique comme histoire mais le film a réellement commencé lorsque l'homme a soudainement eu des souvenirs de sa vie. Son enfance et son adolescence, la mort de sa mère, les violences que son père lui a infligé jusqu'à ce qu'il se décide à quitter la maison familiale en laissant ses frères et sœurs derrière lui. Le commencement de sa vie d'adulte, ses premiers flirts, ses premiers amours. Les premières femmes qu'il a trompé, celles qu'il a aimé et celle qu'il a fréquenté seulement pour s'amuser. Et puis finalement, Elisabeth, j'avais retenu son prénom car sa beauté m'avait coupé le souffle dans la salle de cinéma. Elisabeth, la femme qui a le plus comptée pour lui, celle qu'il a le plus chérit, la mère de ses deux enfants. Il a essayé de remonter à la surface dans le lac, en pensant à elle, à l'amour qu'il lui portait et à celui qu'il portait à ses enfants. Mais la mort d'Elisabeth lui ait soudainement venue en tête, son enterrement, la dépression qui s'en ait suivie et les litres d'alcool qu'il a dû ingurgité pour réussir à l'oublier, en vain évidemment. L'enfer qu'il a fait vivre à ses enfants après la mort de leur mère, leur perte lorsqu'ils s'en ont allés pour le fuir, la solitude qu'il a vécu. Alors il a cessé d'essayer de remonter, il a cessé de se battre, il s'est laissé couler au fond du lac. Il explique dans le film que la sensation du froid n'est rien face à la douleur qu'il subit quotidiennement et c'est pour ça qu'il s'est laissé couler. J'avais pensé à ce film et je me disais que je ressentais la même chose que cet homme, j'étais frigorifiée mais ce n'était vraiment rien face à ce que je ressentais en ce moment. J'avais l'impression d'être vide à l'intérieur, plus d'organes, plus d'os, plus de bébé, plus d'amour...
C'est lorsque mes sombres pensées commençaient à prendre la totalité de mon esprit que j'entendis frapper à la porte de la salle de bain.

- Rosa... c'est moi.

C'était Lisa, j'avais reconnu sa petite voix tremblante remplie d'appréhension.

- Je peux entrer ?

- Oui.

Elle ne se fit pas prier et ouvrit délicatement la porte avant de la refermer derrière elle. Le rideau de bain ne me permettait pas de la voir mais je devinais qu'elle s'était appuyée contre le lavabo et qu'elle essayait de trouver ses mots pour me parler. J'avais dormis chez elle hier soir, ma mère était partie le temps de deux petits jours à Bruxelles pour rendre visite à une amie souffrante. Elle était partie hier soir, après la cérémonie organisée pour la mémoire de mon père. Les filles étaient là, la tribu aussi mais Lisa avait formellement interdit aux garçons de se pointer.

- Je voulais savoir si ça allait, commença t-elle
Ça fait presque quinze minutes que t'es là et...

- Je vais bien... dis-je
J'ai bientôt fini de me laver.

- D'accord.

Elle ne semblait pas vouloir s'en aller alors je me décida à couper l'eau et à ouvrir le rideau de bain. Les yeux de ma sœur atterrirent sur les miens mais ils glissèrent rapidement sur mon corps.

- Tu peux me passer une serviette s'il te plaît ? soufflai-je

Elle secoua doucement la tête avant de me tendre une serviette de bain, je m'empressa donc de l'enrouler autour de mon corps.

- Tu manges pas beaucoup en ce moment hein ? dit-elle

Ça sonnait plus comme une affirmation que comme une question alors je me contenta de hausser lascivement les épaules en enjambant le bord de la baignoire pour en sortir. Elle avait raison mais je ne voulais pas l'inquiéter, ce qu'elle ne savait pas c'était que j'avais perdue six kilos depuis le décès de notre père.

- Aurélien m'a demandé de le rejoindre au bureau, il voulait me parler de quelque chose alors je voulais te dire que j'emmenais Tara chez Milou.

J'étais entrain de m'observer dans le miroir mais je me tourna vers elle lorsqu'elle eut finit de parler.

- Je peux la garder, affirmai-je
Pas besoin de la déposer chez Milou.

- Rosa je...

- Laisse-la moi Lisa, j'ai envie de passer un peu de temps avec ma nièce.

Elle fronça doucement les sourcils alors que je gardais mes yeux dans les siens, prête à la convaincre de me laisser sa fille le temps qu'elle rende visite à Aurélien.

- Vraiment Lisa, je peux m'en occuper.

- Je sais pas si c'est une bonne idée Rosa, je doute pas de toi mais Tara a besoin de beaucoup d'attention et toi aussi en ce moment.

- Lisa, je suis une grande fille, je te promets que ça se passera bien... soufflai-je

Elle souffla à son tour et finit par accepter.
Elle sortit alors de la salle de bain tandis que j'enfilai un bas de jogging ainsi qu'un pull assez large. Lisa s'en alla quelques instants après m'avoir expliqué tout ce qu'il fallait que je fasse à Tara avant de la mettre au lit, elle partit en m'adressant un sourire qui me disait clairement : «Je te fais confiance, ne me déçoit pas Rosalie.», et je ne comptais pas le faire.
En fait je ne voulais pas la décevoir, vraiment, mais lorsque je vis que Tara s'était endormie dans son lit et que la porte de la chambre de Lisa était ouverte, l'idée de la décevoir, elle et tous les autres me vint soudainement en tête.

One More Kiss // NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant