Les maisons en marbre blanc étaient soigneusement alignées le long de l'allée. Toutes étaient dénuées d'angles et leur base donnait l'impression de fusionner de façon gracieuse avec le sol. On aurait dit qu'un architecte un peu fou avait eu carte blanche pour s'occuper de l'intégralité de la ville. L'allée comportait des arbres soigneusement placés au centre de lopins de terre en forme de croix, carrés, triangles ou ronds se suivant dans un ordre précis et à une distance parfaitement égale. Des deux côtés de l'allée se trouvaient des canaux en marbre d'un mètre de large et allant jusqu'à cinquante centimètres de profondeur, laissant s'écouler de l'eau claire et pure. Étrangement, le niveau de l'eau ne semblait pas dépasser les trente centimètres là où Leo aurait imaginé qu'il arriverait au minimum à cinq centimètres du bord, surtout au vu des petites passerelles en marbre créées devant chaque porte de chaque maison. Peut-être était-ce une saison sèche et peut-être était-il arrivé un jour où il faisait particulièrement doux ? C'était anormal, mais il décida de continuer sa route en destination de la Grand Place, comme l'avait suggéré son accompagnateur.
Des chiens, des chats, des loutres... Différents types d'animaux parcouraient les rues. Tous étaient bipèdes, tous portaient des vêtements que l'on aurait cru tirés d'un livre d'histoire sur la révolution industrielle. Tous le dévisageaient lorsqu'ils le voyaient. Vous pourriez éviter ? C'est déjà assez difficile comme ça et là, ça n'arrange pas les choses, voulut dire le garçon, qui avait rarement l'habitude d'attirer autant l'attention. Pire encore, il vit que derrière Stan – qui semblait observer avec attention et émerveillement chaque maison qui passait – certains individus le suivaient de loin, poussés par la curiosité. Il les regarda en baissant légèrement la tête et, ne sachant pas quoi faire, leur fit de petits signes amicaux. Grant lui jetait également des regards de temps à autres et Leo remarqua que sa curiosité était plus qu'embarrassante. Le garçon réunit tout son courage et lui dit « S'il vous plaît... Vous pourriez arrêter ? Ça me gène énormément. ».
La loutre regarda à nouveau devant elle et s'excusa. « Désolé. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un comme vous débarque ici... Ah, regardez ! Voici la Grand Place, notre fierté ! »
Et en effet, ils avaient de quoi être fiers ! L'allée s'élargit pour laisser place à une place immense au centre de laquelle trônait fièrement une fontaine en marbre brun, blanc et même quelques plaques d'or par endroits. La statue au centre représentait une loutre en armure soufflant dans une corne de brume assez grosse et finement décorée. Elle semblait avoir pris appui sur le corps inanimé d'un lion dont l'armure semblait avoir été sacrément endommagée. L'eau sortait de la corne et coulait dans un bassin doté de treize ouvertures. Chaque ouverture était ornée par ce qui semblait être divers blasons, chacun différent de l'autre et chacun ouvrant sur un des canaux qui descendait le long des six rues sur lesquelles débouchait la Grand Place. Une septième rue, bien plus large avait en son centre une digue de plusieurs mètres de large et semblait être celle qui alimentait la fontaine en eau.
Leo s'arrêta pour observer, fasciné par le niveau de détail de l'œuvre, car même si la fontaine ne faisait que sept mètres de haut, son niveau de finition était exemplaire. Stan arriva aux côtés du garçon. Il lâcha un petit cri d'émerveillement. Grant montra d'un geste exagérément dramatique la fontaine et déclara « Voici la statue construite en l'honneur de Daryl, autrement appelé Daryl le Sauveur. C'est lui qui nous a tous sauvé du règne des Raions et qui a permis à notre peuple de reprendre nos terres. »
Stan donna un petit coup d'épaule à son compagnon. « Alors ? J'ai bien fait de t'emmener ici, non ? » Le garçon ignora la question, contemplant la statue sous ses moindres détails. Puis il regarda le soleil couchant. Sentant sa douce chaleur, il ferma les yeux et se laissa transporter par le vent et les diverses odeurs de la ville.
Quand il les rouvrit, il vit la fenêtre de sa chambre, illuminée par les rares rayons de soleil qui arrivaient à passer au travers des volets. Il poussa un grognement et voulut directement se rendormir, mais fit l'erreur de regarder le réveil. 10:32. Hein ? Que... « Ack ! » Se rendant compte de l'heure tardive, il se leva précipitamment de son lit... Puis se rappela que l'on était samedi. Il soupira, puis hésita à retourner dans ce mystérieux monde onirique peuplé de loutres dont les détails commençaient déjà à s'effacer. Pendant cinq minutes, il ferma les yeux pour essayer de continuer le rêve, mais rien n'y fit. Il restait bloqué à cette dernière image de la fontaine. Dommage. Ça avait l'air sympa en plus, pensa-t-il.
Puis il se rappela qu'il avait prévu d'aller voir un ami ce jour-là. S'il continuait de traîner dans son lit, jamais il n'y irait et il aurait la flemme de bouger. Se motivant un bon coup, il se leva et s'habilla.
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Les Chroniques de Loutre-Monde - Tome 1 : Le Garçon qui est Mort Trop de Fois
Viễn tưởngDéconseillé aux moins de 10 ans. Un jour d'hiver à Bordeaux. Un jeune homme se réveille couvert de sang au beau milieu de la rue Sainte-Catherine et constate qu'il a été victime d'un accident de la circulation. Pourtant, il n'est pas blessé. ...