Je vais pas y arriveeeeeer ! Quarante minutes passèrent et Leo fut dans un état proche du désespoir. Sa feuille était restée désespérément blanche tandis qu'il avait dû demander trois fois une feuille de brouillon, car elles n'avaient de cesse d'être remplies de mots balancés à tout va et sans signification particulière. L'une d'entre elles, cachées, comportait même un dessin d'un petit bonhomme en fil de fer tentant de se pendre avec l'élastique d'une chemise en carton. Leo remarqua l'heure. 8H42. Ça ne va pas ! À ce rythme j'aurai perdu trop de tem... Puis lui vint l'illumination. Roh et puis merde ! Aux grands maux, les grands remèdes. Je ne voulais pas en arriver jusque là, mais je n'ai pas le choix, si ? J'arrête tout !
Le temps se figea autour de lui. Il fut tenté de prendre son sac et prendre son livre 'Le Bac Philosophie pour les Nuls' pour revoir les notions liées au sujet, mais son fort sens de la morale le lui interdit. Au moins je vais gagner un peu de temps comme ça. Il prit sa montre en argent, l'ouvrit et la posa sur le bureau pour surveiller sa jauge de magie.
Les quinze minutes qui suivirent furent consacrées à de la prise de notes et un peu avant de remettre sa montre dans sa poche de pantalon, il eut enfin une idée à peu près précise du plan de sa dissertation. Il relança le temps, confiant, et en dehors d'un surveillant qui remarqua un certain changement sans savoir lequel, tout le monde était tellement concentré que personne ne fit attention au garçon qui avait pas mal roussi.
***
10h59. Lucien-Ferdinand regardait son poste de télévision avec une attention particulière. Braqué sur le croisement de la rue Sainte-Catherine, il vit une vieille femme marcher d'un pas relativement agité d'un côté et de l'autre un Leo Davis à l'air serein et confiant. En effet le garçon ne sut pourquoi il lui avait pris l'envie d'aller en centre-ville, mais il sentait qu'une action héroïque l'attendait quelque part dans le coin.
Au bout de la route donnant sur la cathédrale de Bordeaux, un camion de transports de marchandises venait de passer au vert et s'était mis à accélérer. Il avait perdu énormément de temps dans les bouchons sur la rocade et avait déjà vingt minutes de retard sur sa livraison.
La vieille dame n'était plus qu'à vingt mètres du croisement tandis que Leo en était à une trentaine de mètres. Lucien-Ferdinand avait préparé un sachet de pop-corn et en mangeait par grosses poignées sans jamais quitter l'écran des yeux. Dans une minute il allait enfin pouvoir faire Passer quelqu'un. Il attendait ce moment depuis si longtemps qu'il avait compté les minutes depuis le début de la matinée.
Plus que quelques secondes. La vieille femme venait de traverser les rails du tram et s'apprêtait à traverser la route. Étonnamment pour elle, elle ne la regarda pas et se mit à traverser. Le chauffeur, tellement préoccupé par son retard, ne vit pas la femme commencer à traverser et continua sa route à un bon 35km/h. Leo vit la femme traverser sans regarder et se mit à craindre le pire. Il n'était qu'à une dizaine de mètres de la scène lorsqu'il se mit à courir sans se retenir.
Le chauffeur n'était plus qu'à une dizaine de mètres de la femme lorsqu'il vit un jeune homme courir vers une vieille dame et se placer en plein milieu de la route. Le garçon poussa la femme, qui tomba en arrière, puis il se tourna pour voir le chauffeur, qui, paniqué, appuya sur le frein avec autant de force qu'il le put. Lucien-Ferdinand avait arrêté de mâcher du pop-corn et retint son souffle. Oui, oui, oui, oui, oui !
Puis vint l'impact.
Ouuuuiii !!! Le corps de Leo fut projeté sur trois mètres et frappa le sol avec grand fracas. Les passants se mirent à courir vers le garçon et la vielle femme. Ils commencèrent à composer le numéro des urgences. La vieille femme se releva et lorsque Leo la vit, il se mit à sourire, avant de fermer les yeux et lâcher un dernier souffle.
VOUS LISEZ
Les Chroniques de Loutre-Monde - Tome 1 : Le Garçon qui est Mort Trop de Fois
FantasyDéconseillé aux moins de 10 ans. Un jour d'hiver à Bordeaux. Un jeune homme se réveille couvert de sang au beau milieu de la rue Sainte-Catherine et constate qu'il a été victime d'un accident de la circulation. Pourtant, il n'est pas blessé. ...