Sortant de sa chambre, il constata que la maison était étrangement calme. Ses parents étaient visiblement absents. Son père était parti travailler à l'Hôtel de Police. Mais sa mère ? Peut être avait-elle laissé une note quelque part ? Il alla dans la salle à manger vérifier s'il y en avait une sur la table. Bingo. Leo trouva un petit papier sur la table. Il reconnut l'écriture erratique de sa mère, déchiffra le message et comprit qu'elle était partie faire quelques courses et qu'elle allait faire aussi un saut en centre-ville.
Son anniversaire approchant, Leo se doutait bien qu'elle était probablement partie faire du repérage pour trouver un cadeau... Mais pourquoi ne pas le faire quand son fils était en cours, étant donné qu'en tant qu'écrivaine elle pouvait plus ou moins faire ce qu'elle voulait quand elle le voulait* ? Dans le doute, le garçon évita de tirer des conclusions trop hâtives et partit récupérer de quoi préparer son petit déjeuner. Il ne prit qu'un croissant qu'il enduisit de confiture. Dans deux heures il allait manger avec son meilleur ami, donc il était inutile donc de trop se goinfrer.
* Ce qui est faux et archi-faux et je bafferais Leo si j'en avais l'occasion, puisque même s'il est vrai que l'on a pas mal de temps libre, nos horaires ne dépendent presque entièrement que de l'inspiration que l'on a. D'ailleurs, petit conseil : ne dérangez JAMAIS un auteur quand il est en train d'écrire, car sa colère peut-être à la hauteur de la frustration que vous lui aurez causée en cassant le petit train de ses pensées.
Ce frugal petit déjeuner englouti, Leo se prépara à sortir. Il enfila une petite veste, puis un gros manteau, mit ses chaussures, se dirigea vers la porte d'entrée... Puis, oubliant s'il avait prévenu ou non sa mère de sa journée, se redirigea vers le salon, où il prit un stylo et un morceau de papier pour écrire une petite note qu'il déposa à sa place dans la salle à manger.
Enfin prêt, il se redirigea vers la porte... Puis se rendit compte qu'il avait oublié son porte-feuille, qui contenait la carte de bus, ainsi que son lecteur MP3, qu'il aurait mieux fait de prendre avec lui la veille... Ceci dit, peut être qu'avec le MP3 il aurait survécu aux deux incidents et n'aurait pas obtenu ses pouvoirs ! « À toute chose, malheur est bon » à ce que l'on dit.
Ces objets en poche, il se dirigea une dernière fois vers la porte d'entrée, fit une dernière vérification des choses qu'il avait potentiellement oublié... Nope, c'est bon, on peut y aller ! Il ouvrit la porte et sortit.
Le ciel était d'un bleu éclatant. Seuls quelques petits nuages ça et là entachaient un peu ce net tableau, mais de par leurs formes et leur couleur, ils restaient bienvenus. Leo se dirigea vers l'arrêt de bus lorsqu'une bourrasque de vent l'atteignit. L'air était glacial, tant et si bien que le garçon regrettait déjà d'avoir oublié son bonnet. Il avait à peine fait 300 mètres, donc il pouvait rentrer chez lui pour le récupérer. Eerf... la flemme. Il continua son chemin, imaginant bien que le bus allait être chauffé et qu'il n'aurait pas besoin de l'attendre longtemps à l'arrêt.
Il se trompa.
Il était déjà 11h28 et ça faisait déjà une vingtaine de minutes que le vent lui rafraîchissait les idées en plus secouer de façon incessante ses épais cheveux bruns. Et toujours aucun bus en vue. À 11h29, il vit un bus arriver... De l'autre côté de la route. Il grogna, prit son lecteur MP3 et changea de morceau, passant de When the Wind Blows de la bande-son de Rayman Legends à un remix pêchu du thème de Corneria de Star Fox*. Il sourit, puis tapota furieusement du pied en rythme avec la musique, histoire de maintenir une partie de son corps en activité pour chasser le froid.
* Excellents jeux et encore plus excellentes bande-sons. Il vous faut jouer aux deux au moins une fois dans votre vie (même si dans le cas de Star Fox, je conseillerais plutôt de vous focaliser sur l'épisode Nintendo 64 ou son remake sur Nintendo 3DS). Oh, et fun fact : Christophe Héral, compositeur de la bande-son des derniers Rayman et de Beyond Good & Evil, est un homme adorable et passionnant à écouter et avec qui discuter.
Deux minutes plus tard, il envisagea de rentrer chez lui et d'aller voir son ami l'après-midi. Et ce fut pile au moment où il commença à bouger pour partir qu'il aperçut la silhouette de son bus se rapprocher*.
*Car c'est toujours lorsque vous en avez enfin marre de l'attendre qu'il arrive... À croire qu'il s'agit un complot fomenté par les compagnies de transports publics.
Leo fit signe au chauffeur de s'arrêter, puis monta dans le véhicule tout en faisant attention de passer sa carte devant la borne électronique. Il se secoua tant bien que mal pour chasser le démon du froid, mais le chauffage du bus s'en chargea tout aussi bien au bout de deux minutes.
Le trajet se déroula tranquillement. Leo continua d'écouter ses musiques tout en voyant le paysage défiler. Il vit son reflet de temps à autres, et même parfois ses yeux vert foncé lorsqu'il traversait une zone plus sombre. S'approchant de l'arrêt Peixotto, le garçon se leva de son siège et se dirigea vers la porte. Il remarqua qu'un bus était en train de partir. Sentant le mauvais coup, il tenta de se concentrer sur la plaque lumineuse qui affichait son numéro de ligne. 35. Pas de bol, c'était celui qu'il devait prendre. Il voulait arrêter le temps, mais s'il le faisait, soit c'était l'univers tout entier, soit juste le bus. Dans le premier cas, il aurait été incapable de sortir du véhicule, et dans le second, tous les témoins hurleraient.
Leo soupira, puis tenta de réfléchir à une solution de secours. Il vit le tram B en direction du centre-ville de Bordeaux passer. C'est ça ! Le bus et le tram empruntaient plus ou moins le même chemin et se rejoignaient peu après une des universités. Sachant que le tram était assez rapide et que le trajet du bus était assez long à cause des quelques détours et des éventuels feux rouges, peut être avait-il une chance de le rattraper en prenant le tram !
Les portes du bus dans lequel Leo se trouvait s'ouvrirent. Il fonça vers l'arrêt de tram, direction Pessac Centre. Coup de chance, une rame allait arriver dans moins d'une minute. Elle s'arrêta, puis Leo monta à l'intérieur. Il passa sa carte devant la machine, se posa contre les portes et sélectionna le thème principal de Monty on the Run* sur son lecteur.
Les arrêts défilaient au rythme de la symphonie folle de Rob Hubbard, ce qui rendait la situation encore plus dramatique et excitante.
*Alors là, on tape dans de l'ancien, mais qui n'en reste pas moins impressionnant ! Vous devriez absolument découvrir ce morceau, mais attention : le début de la piste est assez strident et peut être assez fort. Après tout, il s'agit d'un morceau composé sur Commodore 64 (micro-ordinateur que le temps a pas mal fait disparaître, mais que si vous connaissiez avant de lire ce livre et avant d'avoir vu une vidéo YouTube dessus, bah je ne peux que vous respecter). Et c'est parce que ce morceau a été composé sur une telle bécane qu'il est plus qu'impressionnant. Après, si vous vous demandez comment un garçon comme Leo, né en 1996, connaîtrait une machine plus vieille que lui de presque quinze ans, disons qu'il a bien été éduqué et lisait des magazines britanniques comme Retro Gamer. Ça aide plutôt pas mal.
Puis, à peine une dizaine de minutes plus tard arrivèrent les universités Bordeaux III et IV dans le champ de vision du garçon. Peut être un jour allait-il étudier ici ? À vrai dire, il n'en savait encore rien, alors que les inscriptions pointaient le bout de leur nez. Les possibilités d'études étaient presque infinies au vu de ses excellents résultats scolaires. Et certes, il s'était engagé dans une filière scientifique, mais rien ne l'empêchait de changer de voie quand il le voulait pour aller dans cette université de lettres qu'était Bordeaux III ou bien celle de droit qu'était Bordeaux IV.
Dans tous les cas, il observa les bâtiments. Ils étaient peu accueillants, et avaient vu de bien meilleurs jours. Ils semblaient avoir fait un tabac auprès des architectes il y a plusieurs décennies, mais leur design était sérieusement dépassé aujourd'hui*. Au moins, le petit sentier boisé improvisé à côté était joli.
*Et encore, il n'en a pas vu l'intérieur. Si vous pensiez en 2013 que des lecteurs de cassettes audio ne pouvaient décemment plus figurer dans les bureaux, eh bien vous auriez tort. Certes, les lecteurs n'étaient plus utilisés, mais ça restait impressionnant à voir... J'aurais bien mis ma cassette de la comédie musicale Nôtre-Dame de Paris dedans, histoire de voir s'ils fonctionnaient toujours (et infliger des souvenirs plus ou moins agréables aux camarades de classe...)
Le tram continua sa route et enfin arriva la destination tant convoitée : l'arrêt de tram et de bus Unitec. Leo descendit, se dirigea vers l'arrêt de bus vingt mètres plus loin et attendit.
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Les Chroniques de Loutre-Monde - Tome 1 : Le Garçon qui est Mort Trop de Fois
FantasiaDéconseillé aux moins de 10 ans. Un jour d'hiver à Bordeaux. Un jeune homme se réveille couvert de sang au beau milieu de la rue Sainte-Catherine et constate qu'il a été victime d'un accident de la circulation. Pourtant, il n'est pas blessé. ...