Épisode 4.3 : Un Détail Peu Rassurant

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Deux jours plus tard, alors qu'il était dans le tram pour rentrer chez lui, une pensée traversa l'esprit de Leo. Une pensée plus qu'utile et remettant ces dernières semaines en cause : et si j'arrêtais le temps à la fin de ma session de révisions ? Après tout, cela faisait maintenant quelques jours qu'il se mettait à réviser après manger et personne n'entrait dans sa chambre. Arrêter le temps pendant vingt minutes le condamnait à rester dans la pièce pendant une heure et ne jamais en sortir. Or, s'il arrêtait le temps vingt minutes avant d'aller dormir, il avait juste à finir ses révisions, puis aller au lit. La recharge se ferait pendant son temps de sommeil.

Leo voulut se coller des baffes pour ne pas y avoir pensé plus tôt, mais il lui restait encore quelques jours pour le faire, donc ce n'était pas comme s'il ne lui restait pas de temps pour appliquer cette méthode plus sensée.

Le soir venu, Leo passa son temps à regarder la télévision avec sa mère avant d'aller manger.

Puis, une fois le repas englouti, il se mit à réviser. Lorsqu'il sentit qu'il n'allait réviser plus qu'une vingtaine de minutes, Leo partit une dernière fois aux toilettes, puis il alla se brosser les dents avant de retourner devant ses cahiers.

Il arrêta le temps, puis relut ses notes, montre en argent sous les yeux.

Lorsque l'aiguille arriva à la limite de la première barre, il relança le temps, referma son cahier et s'étira sur sa chaise pour signifier la fin de l'effort. Ne lui restait plus qu'à se changer, et aller au lit pour profiter d'une bonne nuit de sommeil.

Il se leva de sa chaise, puis prit le pyjama qu'il avait jeté sur le lit le matin même. Il commença à se déshabiller, puis s'arrêta net.

Il savait qu'avec le temps, ses cheveux roussissaient et les poils sur ses avant-bras noircissaient, mais jamais il n'avait pensé à se déshabiller durant l'heure de récupération.

Il fixa son torse. Les rares poils qui avaient poussé avec le temps étaient blancs. Idem au niveau du nombril. Encore plus curieux – et il ne le remarqua qu'à l'instant à cause des circonstances – ceux sur la partie supérieure de son bras étaient eux-aussi du même roux flamboyant qu'une partie de ses cheveux.

Il hésita une trentaine de secondes à enlever le bas. Il redoutait ce qu'il allait y voir, car il se doutait bien que ces changements de couleur ne concernaient pas que le haut.

La curiosité l'emporta, mais la peur l'empêcha de tout enlever. L'intérieur de la partie supérieure des cuisses était blanche, tandis que le reste était roux jusqu'aux genoux. Tout ce qu'il y avait en dessous était noir.

Leo prit peur. Ce n'est que temporaire. Ce n'est que temporaire, se répéta-t-il en boucle pendant vingt secondes, avant de retrouver la raison.

Puis une autre pensée lui traversa l'esprit. Il s'agissait bel et bien d'une transformation. Et au vu de la direction que ça prenait au premier stade, il se doutait bien qu'utiliser sa magie le transformait en monstre. Et, bizarrement, il n'avait absolument pas envie d'expérimenter plus pour savoir en quoi il pouvait se transformer. Avec un peu de chance, ça pouvait être quelque chose d'acceptable, mais il avait vu un peu trop de films : à tous les coups, il avait des pouvoirs tellement cool qu'il deviendrait un monstre hideux*.

* Tant qu'on y est, voilà quelque chose qui m'a toujours turlupiné : pourquoi est-ce que les héros ont un design cool et les personnages tertiaires auront plus souvent tendance à avoir l'air normaux ? Pourquoi n'ont-ils pas le droit d'avoir l'air un peu plus classe ? Faisons en sorte que les héros aient l'air normaux et les passants aient l'air plus cool qu'eux !

Et ces couleurs... C'était certes relativement harmonieux, et il y avait des chances que quelques personnes dans le monde se fassent des teintures intégrales pour ressembler à ça, mais il n'avait pas envie de sortir et ressembler à... Rien.

Stan... Il lui fallait contacter le dieu et mainte... Et merde. Il était parti il y a deux jours. Leo imaginait bien qu'il voulait un peu de tranquillité.

Le garçon voulait s'arracher les cheveux. Bon, ce n'est que l'affaire de deux mois. Quand il rentrera, tu lui en parleras et tu expliqueras tout. Dans tous les cas, l'utilisation des pouvoirs, c'est niet jusqu'à ce qu'il rentre. Leo n'avait pas envie de redevenir ce monstre, et encore moins en savoir plus sur ces différents degrés de transformation.

Il imaginait bien le résultat, mais n'avait pas particulièrement envie de le voir, alors il enleva son caleçon et enfila son bas de pyjama sans regarder, puis enfila le haut, avant de partir se coucher, frustré. Des pouvoirs cool, qu'il disait. Super les effets secondaires ! Son humanité avait été sacrifiée contre la possibilité d'utiliser la magie. Dans un sens, c'était mieux d'avoir cette sorte de jauge qui se régénère que de ne rien avoir et d'immédiatement devenir un monstre, mais il aurait pu s'en passer... Enfin, avec un peu de chance, sa forme de monstre donnait sur quelque chose de classe.

***

Le double de Stan lut le livre de Leo sur son lit. Ses yeux s'écarquillèrent à la vision des dernières lignes. Oh non !

Il claqua des doigts pour étoffer le livre et voir ce qu'il se passait dans la tête du garçon. Il avait peur que cette révélation ne le rende fou et qu'il doive déjà prévenir Stan.

Le double lut attentivement les lignes et poussa un soupir de soulagement. Leo semblait paniqué, mais avait réussi à relativiser. De plus, il n'avait plus l'intention d'utiliser ses pouvoirs pour les deux mois à venir, ce qui était une excellente chose.

Mais quelque chose inquiétait le double. Il espérait sincèrement que Leo ne ferait pas une fixation sur ce petit détail et ne développe une véritable obsession. Le double avait bien l'intention de surveiller le garçon de très près et de prévenir Stan s'il y en avait véritablement besoin.

Préoccupé, le double partit se coucher.

***

Le réveil fut relativement difficile pour Leo, qui passa la journée à repenser à ce qui lui était arrivé, mais la fin de la journée le ramena à une autre réalité : celle du bac, qui approchait.

Mettant de côté toute pensée ayant attrait à ses pouvoirs et sa transformation, il passa donc ses journées et ses soirées à se préparer mentalement aux examens. Ce n'était pas à cause de ces fichus effets secondaires qu'il allait perdre son bac, non mais !

Les Chroniques de Loutre-Monde - Tome 1 : Le Garçon qui est Mort Trop de FoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant