Le jeune homme marche dans une ruelle obscure à peine éclairée par un malheureux lampadaire maladif. Dans les recoins sombres, les ombres mouvantes dansent et alimentent les chimères des buveurs des bas-quartiers. Au sol, des pavés négligés aux formes irrégulières couverts de boue et de crachats laissés par les passants. Un chat, le poil hérissé, se faufile près de l'inconnu, un poisson pourri dans la gueule,. Quelques pas plus loin, le promeneur aperçoit un sac éventré nauséabond et se pince le nez, dégoûté.
Dans les bâtisses aux alentours, un couple se dispute, un vase se brise. Le noctambule rejoint d'une démarche rapide une rue plus fréquentée. L'ambiance devient plus légère et la lumière s'intensifie. Les badauds qu'il croise l'épient avec méfiance. Il émane de lui un charme étrange et mystérieux, que sa cape d'un rouge profond ne sait masquer.
Au fil de sa promenade, une musique entraînante aux accents joyeux parvient à ses oreilles. Sa source naît d'un bar à la façade aux couleurs extravagantes et vives, illuminée par des lanternes.
Envoûté par la mélodie, il pousse la lourde porte en bois à double battants. Aussitôt, une atmosphère chaleureuse et tamisée l'accueille. Le jeune homme scrute d'un œil amusé la bande de musiciens sur l'estrade ronde au milieu de la salle. Un poulpe violet joue au piano, un bipède mince de la hauteur d'un ours à la couleur jaune porte une guitare, et une femme au visage beige pâle avec des oreilles effilées chante. Le nouveau venu se murmure à lui-même :
- Je ne m'y habituerai jamais.
Il se faufile entre les tables bondées et les serveurs débordés pour s'installer sur un tabouret au comptoir. Une imposante créature à la peau grise, vêtue d'une chemise bien trop étroite lui fait face. Ses sourcils froncés et les dents pointues qui dépassent de ses lèvres lui donnent un air idiot.
- Hum, bonsoir, auriez-vous des produits terriens ?
Il perçoit l'incompréhension du barman et il balaie sa question de la main.
- Je vais prendre un kantac pétillant, merci.
Le monstre hoche la tête, et se retourne pour prendre une bouteille dans ses mains gigantesques. Le temps qu'il prépare sa boisson, l'inconnu évalue encore une fois la pièce avant de sourire. Quand la plupart des clients quitteront l'établissement, l'endroit proposera une scène idéale pour narrer une histoire.
Il attrape d'une main distraite le verre déposé par le serveur, avant d'ôter sa capuche. Mais il s'arrête à temps malgré la chaleur. Ce n'est pas encore le bon moment pour dévoiler son visage.
Une heure passe, puis deux. Les tables se vident peu à peu, les mélodies jouées sont plus tranquilles, et bientôt, les musiciens délaissent la scène. Le jeune homme finit son quatrième verre d'un seul coup et le pose d'un geste brusque sur le comptoir. Le liquide pétillant coule le long de sa gorge. Il abandonne le siège et se dirige vers l'estrade, soulève une chaise à proximité et la pose sur le plateau. L'inconnu saisit d'une main experte le micro, et s'affale dans le fauteuil sous les regards ahuris des rares clients ensommeillés. Il débute d'une voix guillerette.
- Connaissez-vous la légende d'Ailes Écarlates ?
Dans un réflexe, l'assemblée hoche la tête de manière négative, tandis que des murmures s'échappent. Le barman approche sa lourde carcasse, l'air réprobateur.
- Je ne suis qu'un humble conteur, et je ne dérange pas les clients, montre le jeune homme, la main pointée vers les tables prises, l'air nonchalant.
D'abord hésitant, le serveur acquiesce au bout de quelques instants et grogne :
- C'est d'accord...
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La cave - niveau -3
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