Prologue
L'épieu traversa ma chair.
Je ne ressentis pas la douleur immédiatement, mais vis le sang chaud qui s'écoulait à flots hors de ma poitrine. Les bruits de fracas du métal et des hurlements semblaient avoir bougé à l'arrière-plan. Mon agresseur me souriait à travers des dents pourries. Il aurait dû passer une visite au dentiste, lui.
C'était fou ce que notre cerveau arrivait à faire de stupide lorsque l'on était en train de mourir. Par exemple, penser à l'hygiène dentaire de son meurtrier au lieu de faire face à la Fin avec un grand F.
Lorsque j'eus fini de contempler les canines proéminentes en mauvais état de mon assaillant, la souffrance frappa. Ce fut comme une vague qui me traversait de la tête aux pieds, une vague surpuissante qui me terrassait par à coups. Je mourais. Je mourais vraiment. J'avais évité ce moment effrayant plusieurs fois déjà, mais c'était maintenant qu'il se décidait enfin à arriver, sous la forme d'un ogre n'ayant jamais vu de brosse à dents de sa vie.
Pour être honnête... C'était un peu décevant.
Mais, me demandai-je, comment en suis-je arrivée là ? Comment suis-je passée de la Kam invisible et méconnue à celle qui se sacrifie pour ses camarades sur un champ de bataille ?
Je me posais ces questions, puisque ma mort semblait un bon moment pour faire des réminiscences sur ma vie, courte et étrange.
Si je me souvenais bien, tout commençait un lundi d'hiver, dans les couloirs de ma petite école secondaire décrépite, lorsque j'échappais mes lunettes sur le sol...
Chapitre 1
Elles étaient noires.
C'était à peu près tout ce à quoi j'arrivais à penser, alors que j'étais penchée au-dessus du sol. Ses chaussures étaient noires.
Et mes lunettes, elles ? Pas noires, non, non, mais bel et bien détruites. Éclatées sous ces charmants souliers foncés, que je remarquai d'un raffinement étonnant.
- Euh...
Les pieds bougèrent, révélant la carcasse démolie de mes binocles à monture écaillée. Je détachai donc mes yeux des orteils enfermés dans ces chaussures délicates pour les faire remonter le long des pantalons recouvrant les jambes qui y étaient attachées, la taille et le torse, pour arriver à un visage avenant.
Il toussa.
- Pardon, mademoiselle. Toutes mes excuses.
Il se pencha pour ramasser mes lunettes brisées par terre. Mais pour qui il se prenait, se guignol ? On était au 21ème siècle, et il parlait comme un vieux livre.
- Voilà... Vos lunettes. Je suis tellement désolé... Milles excuses.
Il passa sa main dans ses cheveux bruns sous mes yeux étonnés.
- Ah... Euh... C'est pas grave.
Grave ? Pas grave ? Avais-je vraiment dit ça ? J'allais me faire hurler dessus par mes parents le soir même, et je lui déblatérais que ce n'était pas grave.
J'étais toujours figée, et il m'offrit un sourire inconfortable en secouant les lunettes, visiblement une demande pour que je les prenne. Malheureusement, je restais statique comme l'imbécile finie que j'étais, immobile en plein milieu du couloir bondé.
- Je... Normalement, je garde ce que je brise... Pour me souvenir...
Et c'est là que je trouvai assez de bon sens dans mes cellules cérébrales engourdies pour arrêter de parler. Mais quelle idiote ! Mais quelle sotte ! Andouille !
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La cave - niveau -3
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