Texte n°432

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Il était assis par terre, sur le sable rouge qui composait la majeure partie du paysage désertique. Dans ses petites mains tremblantes quelques cailloux qu'il serrait fort, faute de pouvoir s'agripper à autre chose, éraflaient sensiblement sa peau. Recroquevillé, le visage collé à ses genoux, accablé par ses inspirations convulsives, il goûtait malgré lui à quelques-unes de ses larmes qui trouvaient refuge au coin de ses lèvres. Il respirait bruyamment, avalait des bouffées d'air de manière saccadée, puis les rejetait en essayant d'appeler ses parents.

Un bruit terrifiant surgit de nulle part. Un bourdonnement monstrueux sans doute capable de scinder les Cieux ou d'invoquer les forces les plus obscures, les monstres les plus maléfiques prêts à dévorer l'enfant qui avait tant couru dans ce désert interminable, jusqu'à l'épuisement. Un cornement sévère et douloureux s'en suivit aussitôt. Son cœur battait à toute allure, sa poitrine lui faisait mal, sa gorge aussi. L'immense terreur que cet environnement lui avait insufflé n'en finissait pas de le torturer. Baignant dans ses larmes inépuisables, plongé, noyé dans la plus grande frayeur de sa brève existence, il attendait la fin. Il s'imaginait avec douleur finir dévoré, broyé, mâché par une entité sinistre dont ses parents n'avaient jamais fait mention. D'ailleurs, où étaient-ils ses parents ? Ces deux êtres doux et protecteurs qui avaient toujours été son bouclier contre les enfants méchants de l'école, qui avaient été ses médecins contre les fièvres, les grippes, les blessures ?

Des voix graves se firent entendre au milieu de grésillements aigus, tellement pénétrants qu'il lâcha les petits cailloux et posa ses mains ensanglantées sur ses oreilles. Il se mit à hurler à son tour, de toutes ses forces. Il plaça le peu d'énergie qui lui restait dans ces cris de désespoir. Il s'époumonait afin de n'entendre plus que sa voix, afin de couvrir ces bruits épouvantables qui l'horrifiaient. Enfin, l'enfant se laissa tomber sur le côté, et demeura replié sur lui-même, la poitrine contre les genoux, les yeux fermés avec douleur. Soudain, lorsque ses hurlements finirent par l'épuiser, une voix féminine et familière vint chasser les obscurs grésillements.

« Elliot ! Réponds-moi mon chéri ! S'il te plaît ne t'en vas pas, ne

t'en vas pas ! »

C'était la voix de sa mère, tremblante et anxieuse. Elle savait ! Elle savait qu'il était en danger, elle savait ce qu'il endurait à ce moment-là !

« Maman ! hurla l'enfant dont la voix avait fini par lâcher et s'enrouait progressivement. Maman aide-moi ! »

Cependant il n'osait se relever. Dans un élan de courage, malgré la peur d'être nez à nez avec le monstre, il entrouvrit un oeil et aperçut au loin le ciel qui changeait de couleur, passant à toute vitesse du bleu au rouge, du rouge à l'orange, de l'orange au vert et toutes les nuances se succédaient à l'infini. Les vrombissements terrifiants reprirent de plus belle. Il fut contraint de rabattre sa paupière une fois de plus, en espérant entendre une seconde fois la voix de sa mère.

Dans la petite chambre du premier étage de leur maison, à peine éclairée par une lampe allumée en toute hâte, Monsieur et Madame Eno sentaient leur sang se glacer d'effroi. Leur fils Elliot, étendu sur le lit, crispé de toutes parts, les veines fortement gonflées, le visage pâle et plein de sueur, faisait des bonds terrifiants au rythme de ses convulsions incessantes. Sa mère, agenouillée près de lui, une main sur le front de l'enfant, l'autre sur la petite poitrine, pleurait à chaudes larmes au-dessus de ce visage de plus en plus terne et incolore.

« Chérie, prends le téléphone ! s'écria le père en posant le récepteur par terre.

— Ils arrivent dans cinq minutes, continua-t-il. Je dois le placer sur le côté et l'éloigner du mur pour ne pas qu'il se cogne la tête.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant