Texte n°398

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-Quel honneur!

-Là-bas, ta vie rayonnera plus que jamais!

-La reine aura une merveilleuse dame de compagnie à qui se confier et à faire confiance!

-Enfin, une de la Loyère près de la couronne, oui, oui, au palais même où la royauté y est elle-même installée.

Ils racontaient tous le même discours mais, je ne pouvais appréhender ce qui allait m'arriver. Éloignée de ma famille que j'aime tant et de mes chères amies auxquelles j'ai été proche toute mon enfance, loin de cette paisible et adorable comptée qui est si loin des troubles des révolutionnaires et des habitants devenus furieux contre la monarchie qui couraient en ces temps nuageux, encore plus distancée des merveilleux chants vigoureux et matinaux des rossignols qui me souhaitaient bon matin chaque jour et qui me rendaient heureuse. Comment ferais-je pour supporter cet éloignement si soudain et profond? Comment vivrais-je? Moi, qui ai toujours détesté et trouvé insupportable la politique, je m'en allais à l'endroit même où les conflits commençaient, là où le luxe débordaient, rendant de plus en plus avare ces propriétaires qui devenaient ainsi aveugles quant aux plaies du peuple.

Le cœur lourd, je regardai encore la lettre fraîchement ouverte qui était parvenue ce matin et je lus le même message que j'avais déjà lu maintes et maintes fois dans les dernières minutes.

Chère mademoiselle Aliénor de la Loyère,

L'archiduchesse d'Autriche, princesse royale de Hongrie et de Bohême et reine de France et de Navarre, vous prie de vous joindre à ses dames de compagnies. Vous avez l'honneur d'avoir été choisie parmi les demoiselles nobles de la France pour rendre agréables les journées de la reine en lui maintenant compagnie et en la servant. Bien sûr, la possibilité de décliner cette offre est permise. Si, par contre, vous acceptez, vous logerez au château de Versailles et y vivrez dorénavant. Lors des journées de repos, vous pourrez visiter votre famille. Un système de poste vous est également offert afin de tenir votre famille au courant de votre bien-être. Nous vous prions d'apporter que le nécessaire, car le château vous donnera tout ce que vous avez de besoin afin que vous puissiez avoir un séjour plaisant. Un carrosse viendra vous chercher demain au soleil levant si votre désir est de venir.
Au plaisir de vous voir bientôt,

Je me doutais bien que la reine, elle-même rédigé cette lettre. C'était probablement ses serviteurs qui l'avaient composée et tout ce qu'elle eut à faire est d'apposer sa signature soignée au bas de la missive.

-Je n'ai point l'envie d'y aller, déclarai-je à ma famille d'un ton sec.

-Petite fille insolente! Comment oses-tu refuser une offre si prometteuse de la reine? me répondit aussitôt Tante Bathilde.

-Du calme Bathilde. Laissons Ali faire son propre choix. Elle peut tout-à-fait décliner poliment l'invitation si tel est son souhait. Tu n'a pas à mettre ton ancien rêve de jeune femme sur les épaules d'une autre jeune femme aux intérêts différents aux tiens. Cesse donc un peu d'avoir une humeur acariâtre et souhaite plutôt à ta nièce qu'elle prenne une décision qui ne va pas à l'encontre de ses désirs.

"Ah! Ce cher papa. Toujours prêt à prendre la défense de sa fille bien-aimée. Si je pars, que ferai-je sans lui pour me protéger des paroles disgracieuses et des regards indiscrets et curieux? pensai-je"

J'aperçus, du coin de l'œil, ma mère qui m'adressait un sourire, un sourire qui me promettais de rester à mes côtés peu importe ma décision. J'avais décidément les parents les plus compréhensifs de cet univers: toujours à supporter mes décisions, parfois impulsives, parfois incompréhensibles à leurs yeux. Je me retirai du salon pour aller dehors dans les jardins. L'air frais me faisait toujours du bien et m'aidait à prendre les meilleures décisions. Assise sur un banc de bois, je fermai les yeux. Je vis maintenant, devant moi, un château: le château de Versailles. Des gens, probablement des hommes politiques, y couraient sans s'arrêter, se fonçant dedans et se relever comme si de rien n'était. Les servantes sous les nombreux ordres ne sachant plus quoi faire faisaient tout de travers et la reine et le roi qui se prélassaient étaient envahis d'or, l'or du peuple. Les gazouillis des oiseaux vinrent se mêler aux protestations assourdissantes de paysans mécontents, les rendant par le fait presque inaudibles. Mes narines, quant à elle, sentait le dur labeur des travaillants du château ainsi qu'une monarchie corrompue par l'avidité du pouvoir. Était-ce vraiment cette vie que je souhaitais voir chaque jour, entendre chaque matin et sentir à chaque seconde? Était-ce vraiment là cette vie que je souhaitais avoir?

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant