La cave - niveau -3

Texte n°552

Prologue.

Alors que le soleil se couchait sur Ivraska, Keret observait sa fille dormir dans les bras de celle qu'il aimait. La petite avait seulement sept mois et était cachée au peuple; seuls les personnes travaillant au château connaissaient son existence. Son père s'approcha et caressa sa joue, soupirant longuement. Depuis quelques temps, des rumeurs se faisaient entendre, comme quoi les Sans-Pouvoir voulaient destituer les Scintillants, des sorciers puissants dont faisait partie la famille royale.

A vrai dire, Keret n'y croyait pas vraiment. Mais Liosa, sa femme, avait préféré cacher sa grossesse. Si les Sans-Pouvoir parvenaient à briser la pierre, la magie qui coulait dans les veines des Scintillants disparaîtrait. Si cela venait à arriver, seul un sang royal pouvait réparer la pierre, et leur enfant serait donc le dernier espoir pour les sorciers.

Un mois plus tard, alors que la petite avait prononcé ses premiers mots, les rumeurs circulant depuis tant de temps se concrétisèrent. Alors que la nuit régnait sur l'île, des Sans-Pouvoir firent irruption dans le château, brisant toutes ses défenses. Les soldats tentaient de protéger la pierre comme ils le pouvaient, mais Keret sut que cela ne durerait pas. Il prit alors sa fille dans ses bras et courut jusqu'à la chambre de sa plus fidèle servante. Il frappa à sa porte, la suppliant d'ouvrir; ce qu'elle fit après une courte hésitation.

— Yla ! Je vous en prie, il faut que vous nous aidiez ! Prenez Keryna, vite, il faut que vous partiez avec elle. Je ne suis pas sûr de survivre à cette nuit, et les Sans-Pouvoir se sont attaqués à la pierre. Ils vont réussir à la briser. Si je meurs, la petite sera la seule restante de la famille royale, alors il faut que vous la protégiez. J'espère vous revoir demain Yla, avec les Sans-Pouvoir pendus aux portes du château, mais je crains que cela soit plus compliqué qu'on le voudrait, lui murmura-t-il en lui tendant l'enfant et une bourse d'argent.

C'est alors que le roi se sentit soudainement très faible, et il sut instantanément que ses pires craintes venaient de se réaliser. Il tenta tout de même durant quelques secondes de se servir de ses pouvoirs, pourtant rien n'y faisait.

— Vite, passez par les sous-sols ! Je vais tenter de les retenir le plus longtemps possible, s'écria-t-il, avec un dernier regard envers sa fille.

Il repartit alors en courant, essayant de ne penser qu'à protéger son peuple de ces rebelles. Mais alors qu'il entrait dans la salle principale, seul un silence glacial se faisait entendre, et l'odeur du sang planait dans la pièce. Keret crut qu'il allait vomir devant cette scène macabre. Les cadavres de ses gardes s'amoncelaient sur le sol, et les Sans-Pouvoir avaient gagné les jardins. Il s'élança avec rage vers eux, et découvrit sa femme se battant courageusement, épée à la main. Elle croisait violemment le fer avec son adversaire, mais elle était bien loin d'avoir l'avantage. Puis la lame de ce dernier transperça la poitrine blanchâtre de la reine. Son corps tomba tel un pantin désarticulé, et Keret venait de voir sa vie s'effondrer devant lui. Sans sa femme, il n'était rien. Ses genoux lâchèrent alors, et il s'écroula lourdement sur le sol, la tête entre les mains. La bataille faisait rage autour de lui, pourtant il n'entendait plus rien. Étonnement, ses larmes ne coulaient pas, il n'arrivait pas à réaliser ce qui venait de se passer.

Puis alors qu'il était toujours à terre, un Sans-Pouvoir l'acheva, réduisant à néant le couple royal.

Chapitre 1:Keryna.

Dix-huit ans plus tard.

Allongée dans l'herbe ondoyant sous la brise, j'observais le ciel si particulier d'Ivraska. Notre monde paraissait entouré par une bulle de savon aux reflets irisés. Je soupirais et fermais les yeux. Encore une fois, Yla et moi nous étions disputées. Voilà bien six ans que je lui affirmais être prête, mais elle ne voulait rien entendre. Pour elle, je n'étais qu'une enfant. Pourtant, j'avais désormais la majorité, et ce depuis sept mois.