Texte n°540

13 0 0
                                    

24 septembre 2012

Oldwoods – Minnesota

— Sors de là fainéant, tu vas être en retard !

Les cris de Joyce, sa mère d'accueil ainsi que les violents coups contre la porte réveillent Will en sursaut. Il se lève brusquement de son matelas et regarde l'horloge : sept heures quarante-cinq. Il lui reste exactement quinze minutes pour se préparer.

— Je te préviens, t'as intérêt à te dépêcher, il est hors de question que tu rates l'école aujourd'hui !

Will ouvre la porte, se glisse devant Joyce sans lui adresser un mot et s'enferme dans la salle de bain. La femme le regarde passer avec cette expression habituelle de dégoût et de mépris qui l'anime, chaque fois qu'elle pose les yeux sur lui.

— Graine de voyou va ! T'as intérêt à vite t'habiller, je n'ai pas envie d'accorder à cette garce de directrice le plaisir de rappeler les services sociaux !

Alors qu'il termine de se laver le visage, Will entend Joyce se diriger vers la cuisine. Il lève la tête et se retrouve face à son reflet dans la glace. Des cheveux noirs épais et ébouriffés, un teint pâle et des yeux noirs au regard si triste et dur à la fois pour un petit garçon de dix ans. L'énorme bleu sur son épaule est toujours bien voyant et assez douloureux. Il attrape un T-shirt sur la pile de linge sale le renifle puis l'enfile et retourne dans la chambre où il saute dans son jean, met ses chaussures, un sweat-shirt avant de ressortir. Dans le couloir, il croise Joyce qui lui balance un coup de spatule à l'épaule, pile sur son bleu.

— Tu le fais exprès ou quoi? hurle-t-elle.

— C'est bon, j'y vais !

Will traverse le couloir en marmonnant. Arrivé dans la cuisine, aucune trace de Kelly, la fille de douze ans de Joyce, qui est sûrement déjà à l'école. Il cherche sur la table quelque chose qu'il pourrait emmener et manger sur la route.

— Tu t'attendais pas en plus à ce que je te prépare quoi que soit ?

Joyce l'avait suivi, elle ouvre le frigo et prend un sac en papier qu'elle lui tend.

— Prends ça ! La prochaine fois, tu te réveilleras à l'heure si tu veux manger quelque chose le matin ! Allez, vas-y !

Elle l'attrape par le bras, l'entraîne jusqu'à la porte et le pousse dehors.

— Et si t'arrives pas à l'heure, Rob s'occupera de toi ce soir !

Plus que huit minutes pour arriver à l'école avant la fermeture des portes. Il fait plutôt froid ce matin, Will enfile sa capuche, et se met à courir. Sa douleur à l'épaule le relance, souvenir laissé par Rob ce week-end pour qu'il range la chambre. Le couple s'apprête à accueillir un nouveau pensionnaire d'un jour à l'autre et ils tiennent à ce que la maison soit présentable en cas de visite. Will se souvient encore du jour où il est lui-même arrivé chez Rob et Joyce.

C'était il y a trois ans et demi. Le couple s'était montré très accueillant en présence de l'assistante sociale. Mais Will n'était pas dupe, il avait l'habitude des familles d'accueil dans leur genre et il savait très bien que la seule chose qui les motivait, c'était l'argent. Il était entré dans le système à l'âge de deux ans, une religieuse l'avait retrouvé sur les marches de l'église. Tous les journaux en avaient parlé, en espérant que quelqu'un le reconnaisse, mais personne ne s'était présenté pour le réclamer.

Will arrive enfin à l'école et comme il le craignait, il se retrouve face aux portes fermées.

— Eh merde ! Rage-t-il en jetant son sac au sol.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant