Texte n°460

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Le soleil brillait sans discontinuer, une certaine forme de pitié pour les travailleurs depuis longtemps oubliée. Par bonheur, ils étaient des mineurs, et descendaient toujours, jamais ne montaient. Ils passaient leurs journées harassantes dans les entrailles de la terre, dans les crevasses naturelles qui craquelaient la terre sèche de cette région.

Cet abri donné par les hauts murs qui les entouraient ne les préservait pas de la chaleur qui régnait ici. Elle était stagnante, loin des vents qui hurlaient sur la plaine. Même la nuit, elle envahissait les membres des hommes, ne leur laissait aucun répit. Mais ils enduraient le calvaire sans un mot, tétanisés, rendus muets par leur sort funeste. Les membres s'agitaient mécaniquement, enfonçant les outils dans la terre pour creuser toujours plus profondément.

Les travailleurs n'étaient pas là par bonne volonté. Ce n'était le cas d'aucun d'entre eux, personne n'accepterait de vivre dans la misère qu'ils enduraient chaque jour. Ennemis politiques du nouveau gouvernement, criminels endurcis, simples voyous... L'empire regorgeait d'hommes à punir et la sentence était toujours la même, quel que soit la faute commise : les terres brûlées. Les femmes avaient le droit à plus d'indulgence, le verdict s'arrêtait bien souvent à la peine de mort.

Le travailleur P411, comme le stipulait l'inscription marquée au fer rouge sur sa nuque, était l'un des derniers hommes matriculé « P » à avoir été incarcéré ici. Son ancienneté n'était toutefois pas à démontrer, puisque la plupart de ses prédécesseurs avaient déjà péri par le travail harassant et les conditions de vies difficiles.

Cela semblait une éternité qu'il enfonçait son outil dans la terre de la région. Parfois, lorsqu'une veine était épuisée, on les envoyait dans un nouveau gouffre. La différence n'était même pas visible, le travail était identique, tout comme les conditions de vie. Pourtant, il tenait, courbait le dos pour enfoncer sa pioche dans la pierre, les haillons collants sur son dos trempé de sueur.

Rien ne le différenciait des autres travailleurs. Il avait été brisé de la même manière, ses yeux hagards ne se focalisaient plus que sur son outil qui manquait de lui glisser des doigts à cause de son épuisement. Sa silhouette malingre semblait se fondre dans la terre, vouloir la rejoindre plutôt que de trimer encore pour le gouvernement.

Ses idées révolutionnaires s'étaient éteintes en même temps que son nom, bien vite remplacé par cette lettre et ce numéro gravé au fer rouge sur sa nuque. Il n'était plus un homme, pas même un esclave. Rien qu'un corps plus ou moins utile à la république de Demar. Pourtant, il tenait, la bouche close et l'esprit fatigué.

Le souvenir d'une femme exécutée publiquement, au pied du président lui-même, dansait dans sa mémoire, sous les pleurs d'une enfant. Leurs visages à elles-deux s'étaient effacés, détériorés avec le temps, tandis que la sonorité de leurs noms ne lui revenait plus. Mais lorsqu'il essayait d'y repenser, quelque chose en lui s'animait et l'empêchait de baisser les bras. Il ne mourrait pas, quitte à nourrir ceux qui l'exploitaient pour le reste de sa vie en travaillant ici.

Sa pioche butta soudainement contre quelque chose de plus dur, plus ferme. Il s'empressa de la lâcher, attrapant un outil à sa ceinture pour travailler avec plus de minutie. Ses doigts s'activèrent, habiles, habitués à ce travail lassant. Son cerveau n'avait plus besoin d'y réfléchir, ses gestes de faisaient instinctifs.

Des gravats tombèrent à ses pieds et une lumière brillante s'échappa de l'entaille qu'il avait creusé dans la terre sèche. Le visage baigné de cette douce lueur, il dégagea peu à peu la gemme tant convoitée. Il remit ses outils en place à sa ceinture qui menaçait de céder à tout moment et serra la pierre contre lui, regardant machinalement autour de lui.

D'autres ouvriers creusaient la terre autour de lui, tandis que deux d'entre eux consolidaient plutôt la dernière charpente posée, pour faire tenir le tunnel dans lequel ils travaillaient. Des lampes projetaient une lueur orangée autour d'elles, baignant les visages sales des hommes une douce lumière, qui cachait presque leurs imperfections.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant