Prologue
Le soleil de midi, noble et farouche créature céleste, se délestait de sa vénusté et laissait impunément choir ses faisceaux dorés pour recouvrir l'altière cité de Merisse, chef-d'œuvre d'architecture. Une forêt de pignons d'ardoises et de demeures en colombages s'empilait au diapason autour des remparts bordés par les eaux du Lac Miroir. Près du port où les gréements des navires étaient bercés par le tintamarre de la jetée, apparaissaient de longues promenades émeraude. Plus haut, dans les venelles, s'intriquaient des Hommes de toutes origines ; gaupes et nobles jouvencelles, aristocrates et roturiers, malandrins et riches négociants valsaient dans les rues à la joyeuse mélodie de la vie. Et dominant dans toute sa splendeur la cité et le Lac Miroir qui l'encerclaient, le Palais de Cristal, siège de l'impériale maison Lac, flambait sur l'eau.
Le jeune prince Heryl, calfeutré dans ses appartements, lorgnait avec convoitise cette ville assourdie par un intense brouhaha, mélange hétéroclite de rire, musique et jacassement de mouette, et regrettait de ne pas pouvoir se divertir avec Erène. L'arrivée du Cycle des Eaux, malgré la mort récente de son père Eadred Lac, avait empli la ville pavoisée de liesse.
Une bise fraiche chanta une douce aria lorsqu'elle s'introduisit entre les murs ternes de la chambre du prince, et souleva les papiers épars qui jalonnaient le bureau. Son grand-oncle, le chevalier Ar Ilède Lac, se leva et s'empressa de fermer la fenêtre. Puis il poursuivit d'un ton monocorde ses leçons sur le cas de mainmorte qu'il lui dispensait depuis la matinée. C'était un bretteur aguerri et rompu au combat malgré son âge, et on racontait que nul dans le Warldiel n'égalait ses talents d'épéiste.
Jouant distraitement avec le ricasso de sa dague en argent qu'il avait hérité de son père, le jeune seigneur essayait de discerner les mélodies qui s'échappaient du centre-ville Il se demandait si Erène y était. Sans doute. Elle devait l'attendre sur les rives du Lac Miroir, ses longs cheveux auburn flageolés par ce vent froid et capiteux, né de l'union entrent...
– Heryl !
La voix grave de son oncle se répercuta sur les voussures de la pièce. Le jeune prince leva la tête. De l'autre côté de la table, son oncle le fixait, lèvres étirées, un regard courroucé voilant ses yeux gris.
– Tu ne m'écoutais pas, réprimanda-t-il.
Le jeune seigneur ne pouvait nier que les solennités qui animaient Merisse à l'approche de son royal anniversaire étaient plus attirantes que les longs et fastidieux cours que lui dispensait le chevalier. Plutôt que de nier au risque de voir ses joues rosir, il implora :
– Excusez-moi, mon oncle, mais je vous en conjure...
– Il ne sert à rien de soliloquer. La reine douairière Janura souhaite que je t'enseigne au plus tôt la façon dont il faut s'occuper des serfs qui travaillent pour toi. Donc je te saurais gré de te concentrer un peu, étant donné qu'aucun des Vulgark du château n'arrive à te faire apprécier la politique. Ton père, lui, en était un fervent passionné.
Son père. Que pouvait-il répondre face à cet argument. Voyant qu'il était incapable remporter cette bataille, il soupira dans un signe de reddition afin de mieux flâner dans ses chimères. Son oncle s'apaisa et sa voix se fit conciliante :
– Tu vas être roi, Heryl.
– Je sais, grommela-t-il. Mais pas avant de longues années.
– Détrompes-toi. Cela ne saurait tarder. La santé de mon frère Kedel, est... alarmante.
Cela, il le savait aussi. Il y avait trois ans que son grand-père, Kedel Lac, suzerain de Merisse, de l'Empire du Lac et du Warldiel, avait contracté la Chevrotante, maladie qui le rendait infirme et incapable de parler ou de bouger. Depuis, Ar Ilède Lac avait été rappelé dans la capitale auprès de son frère pour assurer la régence du royaume.
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La cave - niveau -3
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