Souvenir : La chute des miroirs
Le visage et les mains malmenés par les rafales glaciales, Erelor continua sa litanie, paumes ouvertes en direction du ciel. Il se trouvait dans l'œil du cyclone. Les hurlements des femmes aspirées par la tempête ne lui parvenaient pas. Sa concentration était telle que seule la mort aurait pu l'en sortir. Cela faisait près d'une heure qu'il psalmodiait sans relâche tandis que la violence du sort interdit se répandait sur le royaume.
Sa loyauté envers le roi Tatnar était sans faille. Ce que le puissant homme lui avait demandé conduirait le magicien au trépas, mais il n'avait nullement peur de l'Au-delà. Erelor était le dernier Ensorceleur de Ravelon, et l'Histoire de son peuple se terminerait dans l'éclat du pouvoir.
Sa voix rauque était couverte par le déchaînement des éléments. Même sous l'effort et la soif, elle ne faiblissait pas. Soudain, une lueur bleue et intense fusa des doigts d'Erelor. Elle se divisa en milliers de fragments qui vinrent frapper les âmes condamnées, les diluant dans le néant d'un ailleurs inconnu. Alors seulement, le souffle incessant du vent retomba et la lumière s'éteignit. Dans le calme assourdissant qui régnait maintenant sur la plaine dévastée, l'Ensorceleur tomba à genoux. Autour de lui gisaient les éclats des miroirs brisés, qui tapissaient l'horizon jusqu'à perte de vue. Sous les rayons orangés du soleil revenu sur le royaume, Erelor poussa un ultime souffle.
Ce ne fut que longtemps, bien longtemps après, que le roi Tatnar pénétra dans la vallée. Le corps de son fidèle conseiller fut emporté et avec lui l'unique et dernier miroir du royaume. Maudit. Le sceau qui pesait sur l'objet ne serait jamais levé.
Le roi Tatnar et ses descendants régneraient pour toujours.
Chapitre 1 – La réserve secrète
Alors que la matinée était déjà bien avancée, Iona s'attelait à éplucher les dernières pommes-de-terre. On manquait de personnel en cuisine et la jeune domestique avait été obligée d'aider, négligeant ses propres tâches. Elle détestait cette corvée, mais elle n'en laissait rien paraître.
— Iona ! hurla Irmena, la cuisinière, dépêche-toi donc un peu ! Un autre panier t'attend dans la réserve !
La jeune femme soupira. Elle avait à peine vingt ans et n'était pas encore mariée, mais elle se sentait déjà comme une vieille personne exploitée depuis des lustres. Elle éplucha le dernier tubercule du panier et courut chercher l'autre au fond de la réserve. Plus vite elle aurait fini, plus vite elle sortirait de cette maudite cuisine ! Cependant, au moment de faire demi-tour, un vif éclat attira son regard. Là, dans la pierre effritée du mur, se trouvait un minuscule interstice où l'on pouvait passer la main. Iona devinait qu'avant que la paroi ne moisisse, il ne devait se trouver ici qu'une minuscule fente, invisible à tout œil inexpérimenté. Mais elle n'était pas de ceux-là. Son sens de l'observation et son soucis du détail l'aidaient grandement.
Elle posa le panier à terre et passa le bout des doigts dans la petite cavité. Quelque chose de froid glissa sur sa peau. Un morceau de métal, devina-t-elle. C'était sans doute cela qui avait attiré son attention. Prise d'un soudain élan, elle appuya sur la pièce métallique qui s'enfonça sans effort, émettant le petit bruit caractéristique d'un mécanisme qu'on enclenche. Elle retira sa main, pétrifiée de surprise. Tout un pan du mur s'ouvrit comme une porte sur un tunnel noir comme la suie.
Sa curiosité l'emporta sur la prudence. Elle s'apprêtait à entrer dans l'obscurité du boyau lorsque la voix d'Irmena retentit de nouveau. Le son faisait presque trembler les murs :
— Iona, amène-moi ces fichues pommes-de-terre !
L'échine de la domestique frissonna si longuement que le tremblement se propagea jusque dans ses mains. Il fallait qu'elle referme ce mur, elle ne pouvait pas laisser cela en l'état ! Si jamais quelqu'un arrivait... Un filet de sueur glacée se mit à couler dans son dos. Elle devait faire quelque chose.
VOUS LISEZ
La cave - niveau -3
AléatoireIci, vous pourrez retrouver tous les anciens textes de la #Wacademy à partir du n°381. Les commentaires y seront aussi. Et du coup, vous pourrez trouver l'auteur et aller lire la suite de son œuvre, ou en découvrir d'autres...