Texte n°527

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Chapitre 1 : Préparation

― Allez Louise, on y va ! crie monsieur Legloix, en sortant des vestiaires.

― Je boucle mon sac et j'arrive !

La porte vitrée claque au même moment. D'un geste vif, je fourre ma gourde, mes gants et mes baskets dans la gueule grande ouverte de mon sac où dépassent mes cuissards et mon T-shirt orange du lycée. Je l'empoigne, jette le tout sur mon épaule et m'élance derrière mon professeur de sport. Au moment où j'arrive vers lui, je m'exclame :

― Mes lunettes de soleil ! J'ai oublié mes lunettes dans mon casier à l'étage !

Le printemps, particulièrement lumineux, va me poser quelques problèmes à mes yeux déjà bien fragiles.

― Non mais Louise, sérieusement ! râle-t-il en récupérant le vélo de David qu'il s'apprête à ranger dans le coffre du trafic. T'as deux minutes ! Et va chercher ton pote !

Je me précipite à travers les couloirs du bâtiment A, celui du gymnase et des salles de sciences-physique avant la fin de sa phrase. À travers les vitres, je vois les tables et les chaises, bien alignées, se reposer dans un silence de cathédrale. Je frissonne.

― Quelle idée de venir au lycée un jour férié, je murmure.

L'écho de mes paroles et celui de mes pas se répercutent sur les murs jaunis du vieux bâtiment. Une étrange impression de m'être perdue dans un lieu désaffecté me submerge subitement. J'accélère encore le pas sous mon délire. Je traverse ainsi le lycée quand soudain, je me fais subitement arrêter par mon prof de biologie qui sort de la salle des profs au moment où je passe devant :

― Ah, voilà notre super championne ! s'exclame-t-il, un grand sourire aux lèvres. Comment vas-tu Louise ?

Super championne, il ne faut peut-être pas exagérer.

― Bien et vous ?

― Pas trop stressée ? s'enquiert-il, ses yeux noirs encerclés par de petite lunettes en métal aussi radieux que son sourire.

― Nooon, vous savez c'est du vélo, pas un contrôle de maths !

― Heureusement pour nous alors, rit-il, sachant pertinemment que cette matière scientifique ne fait pas partie de mes préférences. En tout cas, en bio ça va, reprend-il une fois son fou rire passé. Bonne analyse et bonne note à la clef pour l'évaluation d'hier.

Cette bonne nouvelle me rend le sourire. Elle effacerait presque mon angoisse qui monte d'un cran à chaque fois que l'heure de la course approche.

― Mais que faites-vous ici monsieur ?? je lui demande subitement. Vous savez que c'est férié aujourd'hui ? Vous ne voulez pas faire une grasse matinée ? je le taquine, connaissant son sens de l'humour.

― Je fais des heures sup vois-tu. Les profs ne sont pas toujours en grève ! Plus sérieusement, J'ai profité de votre course et que Sylvain est ouvert le lycée pour récupérer quelques copies malencontreusement oubliées ...

J'acquiesce dans un rire et le salue avant de repartir. J'entends au loin qu'il me souhaite bon courage et qu'il compte sur David et moi pour gagner quelques places dans le classement final. Effectivement, pour l'instant, ce dernier ne joue pas en notre faveur. Lors de la course inter-lycées icaunaise organisée chaque année dans le département, nous embrassons depuis cinq ans les pavés. Et voilà trois ans que plus personne au lycée La Brosse d'Auxerre ne croit à une remontée et encore moins à une victoire, les coureurs du lycée fatigant lors des premiers kilomètres du premier jour.

D'ailleurs, à la veille des vacances de noël, quand la principale nous a annoncé la date de la course, elle semblait démoralisée. Pourtant, elle nous récitait son discours habituel avec le même engouement que les années précédentes, prétextant « qu'il est primordial que quelqu'un participe à cette course UNSS pour garder la bonne image de notre lycée agricole ». Mais tout le monde dans l'amphithéâtre sait que cette image s'atténue de jour en jour. Les élèves des autres lycées de la ville aiment nous qualifier de « bouseux aux cuisses molles » ou de « culs terreux mal démoulés », pour parler poliment. D'après leurs dires, le vélo mériterait de ne plus nous avoir sur sa selle. Heureusement que nous préférons le rugby ! Étant le sport phare de notre lycée, plusieurs dizaines d'élèves se sont inscrites au club d'Auxerre, tout roule pour nous. C'est sûr que si nous rencontrions les maigrichons des clubs de vélo sur un terrain, la chance tournerait enfin en notre faveur !

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant