Texte n°433

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Berlin Est, 29 juillet 1961

Ce jour là, je sentais bien que quelque chose n'allait pas. Qu'un changement était proche.

Dès les premières lueurs du jour, mes parents, Edith et Josef, nous pensant ma soeur

Bertille et moi endormies, s'étaient levés et avaient passé la matinée au téléphone. À

l'instant où j'étais apparu dans la cuisine, ils avaient subitement cessé leur conversation.

Cela ne m'étonnait plus, car depuis un mois environ, ils discutaient gravement lorsqu'ils

pensaient que ma soeur et moi n'écoutions pas. Lorsque je parvenais à saisir ce qu'ils

disaient, je comprenais qu'ils parlaient de la situation en Allemagne. Bien sûr, je n'étais pas

sans savoir que l'Allemagne avait était séparée en quatre zones, entre les quatres pays

vainqueur, pour nous punir des horreurs d'Hitler lors de la 2nd guerre mondial. Puis les Etats

Unis réunirent les trois états de l'Ouest, pour ne former qu'un etat, la RFA, et il n'y eut plus

que deux zones : à l'Ouest la zone américaine et à l'Est la zone soviétique, où nous vivions.

Mais je ne comprenais pas vraiment pourquoi mes parents en parlaient aussi souvent, et en

cachette. Pour moi, tout cela était lointain et ne me concernais pas. Enfin, au début ... Car

depuis quelques temps, ces histoires de guerre pour le pouvoir me touchaient de plus en

plus. Tout d'abord, mon oncle Edgard et ma tante Ida, ainsi que ma cousine qui est

également ma meilleure amie, Edwige, étaient partis à Berlin Ouest en zone américaine, et

beaucoup de voisins et d'amis avaient suivi leur exemple. J'avais beaucoup pleuré à leur

départ, je ne comprenais pas pourquoi ils partaient. Maintenant je sais. Ils avaient prévu que

la vie deviendrait plus dure. La nourriture, les vêtements étaient désormais rationnés. Nous

avions seulement le strict nécessaire pour vivre. De cette situation, une certaine entraide

était née entre tous les habitants du quartier : si un voisin manquait de quelque chose, tout

l'immeuble se mobilisait pour l'aider. On se rendait des services, par exemple j'aidais mon

petit voisin à faire ses devoirs, et sa maman faisait notre lessive. Et quelque soit l'avis de

mes cousins, ou l'inquiétude de mes parents, j'aimais beaucoup ce mode de vie, où nous

vivions tous telle une grande famille. J'aimais également le fait que les richesses étaient

également réparties : pas de très riches ni de très pauvres.

J'étais donc dans ma chambre, et finissais de m'habiller lorsque j'entendis ma soeur

Bertille me crier d'en bas :

- Audrey ! Viens, Mamie Elvire est là !

Mamie Elvire est la mère de papa et de tante Ida. Notre grand père est mort pendant la

première guerre mondiale, peu après la naissance d'Ida. Nous ne l'avons donc jamais

connu. Mamie vit à Berlin Ouest, dans la même rue qu'Edwige et ses parents. C'est très rare

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant