Texte n°406

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Je m'appelle Sacha Sanchez, j'ai quatorze ans et je vais au collège du coin. Quoi de plus banal ? Franchement, je ne vois pas. Je ne suis pas populaire mais je vous vois venir : encore une histoire d'un pauvre gosse qui a pas d'amis ! Mais si seulement vous me laissiez finir, je pourrai vous raconter mon histoire et vous remercierez peut-être votre beau-père qui vous acheté ce livre pour votre anniversaire. Mon œil, je suis sûr que votre mère l'a forcé !

Je vis chez mon père, un homme politique effacé qui s'est séparé de ma mère, une femme au fort tempérament. Elle s'est remariée peu après avec un jeune qui avait dix ans de moins qu'elle. Ils ont eu ma petite sœur ensemble, Hella, qui est a-do-rable, contrairement à ses parents.

Le matin du jeudi où commence mon histoire, il faisait beau et dégagé mais j'avais une sorte de pressentiment, comme si tout n'allait pas forcément bien se passer. J'évoluais rapidement sur mon skate, espérant arriver en cours avant la sonnerie. Le concierge était là, fidèle à son poste, en train de réprimander un autre retardataire. J'accélère, mais trop tard, la sonnerie retentit. Je ne suis pas foncièrement mauvais mais personne ne m'a jamais réellement apprécié. Peut-être à cause de mon physique ingrat ou de mon incapacité à engager simplement une conversation intéressante. J'aimerai dire que je suis un peu solitaire et mystérieux mais je n'ai simplement pas d'amis fixes. Quelques fois je suis les personnes à côté de qui je suis en cours mais ils me font à chaque fois des signes pas forcément très discrets pour me dire de partir.

Certains peuvent penser que si on n'a pas d'amis on se concentre beaucoup sur les cours mais c'est complètement faux. Quand je rentre enfin chez moi, je n'ai pas envie de faire quelque chose qui me rappelle l'endroit que je viens de quitter. Je me suis toujours dit qu'il fallait aller de l'avant. Enfin, j'essaye.

Staves, le pion, surnommé Steacks par les élèves, était un homme petit et à la calvitie naissante. Comme tous les concierges, il est détesté par tous les élèves mais tout le monde n'est pas tout blanc ni tout noir. C'est ce que me disait mon père avant que ma mère le quitte. Cette rupture a changé toute sa vie. Avant, il avait confiance en lui et respectait ces proverbes qu'il aimait par-dessus tout. Il m'a initié comme il l'a pu et a réussi en partie à transmettre ces proverbes et je ne peux m'empêcher de penser à chacun d'eux à chaque moment de ma vie. Steacks doit avoir un bon fond, il n'aime sûrement pas être détesté. Personne n'a jamais essayé de se mettre dans la tête d'un pion. Ou aucun élève sain d'esprit en tout cas.

Mais ce n'est pas le moment de se mettre dans la tête d'un pion car Steacks me regarde comme si c'était moi qui avait inventé son surnom ridicule. Si seulement ! De toute façon si c'était moi qui l'avait réellement inventé, personne ne l'aurait jamais utilisé. Ou tout le monde aurait simplement oublié que ça venait de moi au départ.

Steacks commence à me crier dessus pour me dire que je pourrais faire un effort de ponctualité, pour le premier jour au moins. J'essaie de l'ignorer mais je finis par lâcher un petit « oui monsieur Staves » qui manque vraiment de sincérité. Il me laisse aller en cours et j'arrive à garder mon skate et me faufile entre les retardataires. Je monte les trois étages qui me séparent de ma salle de physique en soufflant comme un bœuf. Quand je pousse la porte de la pièce, tous les élèves portent une longue chemise en coton. Madame Ramirez détaille ma tenue d'un regard appuyé et je rappelle enfin que je dois porter une blouse en cours de physique. Pourtant, la salle sent juste mauvais, une odeur de papier neuf que je n'ai jamais compris étant donné que la pièce n'a pas été peinte depuis une quinzaine d'années. Je m'excuse rapidement puis je redescends au premier étage pour prendre ma blouse. Je remonte en essayant de relativiser – j'ai fait du sport aujourd'hui.

Madame Ramirez me laisse m'installer au fond de la classe où je pourrai facilement me faire oublier. La fille qui était avant à côté de moi se déplace pour laisser un siège libre entre nous deux. J'aimerai lui crier dessus que ma dernière douche ne remonte pas à un mois et que je ne suis pas contagieux mais je n'ai pas assez de culot pour ça. Je me contente de jouer distraitement avec mon stylo pour oublier mes problèmes. Devant mon manque d'attention, la prof nous colle une interro surprise. Tout la classe me lance un même regard lourd de reproches. Elle dicte les questions et je m'aperçois que, comme d'habitude, j'ai retenu la moitié du cours et je réponds ainsi facilement aux questions. Les profs aussi ne m'aiment pas, ils préféreraient que j'écoute en classe mais que j'ai des moins bonnes notes plutôt que je ne fasse rien mais que j'obtienne de bons résultats, comme ils se tuent à le répéter à mon père lors des réunions parents-profs.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant