Texte n°520

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« Prends ton meilleur coursier, Onyx, et poursuis ta quête. »

Telles furent les dernières paroles délivrées par mon souverain. Je chevauchais ma monture depuis trois jours, au grand galop jusqu'à son épuisement, alors, seulement, je lui accordai une pause et marchai à ses côtés. Nous ne pouvions nous arrêter en chemin si ce n'était pour dormir quelques heures lorsque la nuit était trop sombre. J'avais dans ma sacoche quelques provisions me permettant de subvenir à mes besoins premiers. De chaque côté de la selle pendaient des outres pleines d'eau, tant pour moi que pour mon cheval. Je devais étancher sa soif pour qu'il me porte le plus loin possible. Et si ces outres n'étaient pas bien grandes, je m'arrangeais toujours pour suivre la rivière. Le soir tombait sur la plaine, teintant les herbes d'ocres et d'ambres. Je repassai mon coursier au pas et lui grattai entre les oreilles pour le féliciter de sa longue galopade.

« Tu es bien digne de ton nom, Vaillant. Je n'ai cessé de répéter aux palefreniers des écuries royales combien tu es brave, mais aucun ne me prêtait la moindre attention. Tous des ignorants ! »

Un léger rire secoua ma poitrine, s'achevant dans un triste soupir, tandis que je me remémorais ces dernières années. Je faisais partie des Coursiers du Roi, un groupe d'élite chargé de porter les missives de grande importance à travers le Royaume de Pandora. J'avais passé plus de temps de ma vie sur le dos d'un cheval que n'importe où ailleurs sur cette terre ! J'avais récupéré ce jeune cheval alors que sa mère était morte lors de la mise bas. Je l'avais nommé Vaillant, je l'avais nourri et débourré. L'affaire avait souvent été mal engagée mais ce sacré bonhomme avait toujours fait preuve de courage et de ténacité. Aux écuries royales, les autres coursiers et les cavaliers du Roi se moquaient bien de ce poulain de peu de race au mauvais destin. Toutefois, Vaillant avait prouvé à tout le Royaume que sa vitesse et son endurance étaient de loin les meilleures performances depuis une génération ! Avec le temps, il était devenu mon compagnon de voyage, mon camarade. Et nous devions porter un ultime message pour notre bon Roi de Pandora.

Cette fois-ci, il ne s'agissait pas de traverser le Royaume à cheval et d'effectuer le chemin du retour, avec ou sans réponse. Non, la mission était d'une nature inattendue qui plaçait sur mes épaules une grande responsabilité. Reprenant les rênes, j'arrêtai Vaillant qui renâcla et me retournai vers le chemin parcouru. La rivière serpentait entre les bosquets, courant d'une colline à l'autre jusqu'aux murailles de la cité de Pandora. Une fumée noire s'élevait depuis les puissantes pierres ordinairement blanches comme la craie, et des flammes mordaient la ville et ses habitants. Au-dessus des hautes tours du château royal, le ciel semblait se déchirer, tantôt d'un noir profond, tantôt parcouru de violents éclairs aux teintes d'or. Je sentis ma gorge se serrer à cette vision de destruction effrayante. Cela faisait déjà trois jours, et le mal semblait se répandre et accroître sa puissance. D'un claquement de langue, je fis repartir Vaillant au trot. Il me fallait mettre de la distance entre cette horreur et la missive du Roi.

La nuit nous couvrit rapidement de son manteau sombre, amenant avec elle une brise glacée. Nous approchions de la côte, ma destination. Je mis pied à terre et conduisis mon cheval le long de la rivière, tant qu'il me le fut possible. Lorsque je ne pus distinguer à dix mètres devant moi, je pris l'initiative de nous arrêter. Prenant un peu du bois qu'il me restait dans ma besace et cherchant autour de nous quelques branches et broussailles, je commençai à faire un feu grâce à une pierre à feu et un morceau d'amadou. Dès que les flammes mordirent le bois fin, je dessellai Vaillant, ne lui laissant qu'une bride sans rênes, et je m'installai pour la nuit. Dans ma sacoche, un peu de viande séchée ferait l'affaire. Je remplis mes outres de l'eau de la rivière et m'assurai que ma monture avait assez d'espace et d'herbe verte. Enfin assis devant les flammes, je songeai à l'aube qui m'emmènerait vers la fin de ma quête. Je ne tardai pas à sombrer dans un sommeil agité.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant