Texte n°445

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J'entendis ses lourdes bottes entamer la descente des escaliers. Enfin lourdes pour mes oreilles de Chat, une autre race d'animhomme n'aurait rien entendu. Il sera bientôt là. C'était ma chance ou jamais de m'échapper. J'avais un plan, le seul que j'ai jamais eu. Si je ne réussissais pas à sortir d'ici ce soir c'était terminé. La mort viendrait me cueillir comme un fruit déjà bien mûr. J'attendais qu'il arrive. La peur dégoulinait de moi et en même temps l'espoir contenait son flot m'empêchant de sombrer. Mais la peur ne m'aiderait pas à m'échapper, seule la colère y arriverait. Alors je me rappelais toutes les violences, tous les coups, les brulures, les entailles. Mon corps était couvert de cicatrices, récentes et anciennes. Tout mon corps. Sauf mon visage. Il me disait qu'il gardait le meilleur pour la fin. Mais la fin c'était ce soir. Zekké m'avait apporté de la nourriture en douce depuis deux jours, il avait tellement peur de lui qu'il n'osait pas faire plus. Je l'avais pourtant supplié des milliers de fois de m'aider, de s'échapper avec moi. Mais il était paralysé. La peur ne dégoulinait pas de lui, elle le glaçait, elle l'immobilisait. « Jamais je ne pourrais partir » me disait-il. C'était un Ours pourtant, ils étaient connus pour être sauvages et sans peur, mais il le détenait depuis tellement longtemps qu'il avait brisé sa volonté. Il, « Le Maître » comme il voulait que je l'appelle, comme il voulait que tout le monde l'appelle. Mais je n'avais jamais cédé à ça. Sauf ce soir, ce soir il devait penser qu'il m'avait brisé. Ce soir il devait penser que j'étais enfin sous son emprise. C'est pour ça que je devais le laisser me battre comme d'habitude, et ne pas riposter, non surtout ne pas riposter sinon il me punirait et je n'aurais plus aucune chance.

Il ouvrit enfin la porte, je restais droite, le regard rivé devant moi, le corps immobile. De toute façon je savais à quoi il ressemblait : grand, brun, mince pour un Ours et des yeux noirs comme le néant. Il y avait tellement de rien au fond de ses yeux qu'ils aspiraient l'essence même des gens. Il avait aspiré presque toute mon âme mais je tenais bon. Ma dernière parcelle de vie. C'est ça qui me allait permettre de fuir. Je savais aussi qu'il était très beau et bon acteur, cela m'avait fait tomber dans son piège encore plus facilement. Je lui avais fait confiance, comme la pauvre cruche fraichement débarquée dans l'armée que j'étais. Et cela m'avait coûté ma liberté. Il s'approcha de moi lentement. Me jaugeant. Un grand calme se fit soudain dans ma tête, c'était durant ces prochaines heures qu'allait se jouer le reste de ma vie.

- Bonsoir Soraya, me dit-il en caressant mes longs cheveux auburn.

J'avais envie de vomir, je supportais encore moins quand il me touchait comme ça que quand il me frappait. Mais je restais de marbre, il le fallait.

- J'ai dit bonsoir, répéta-t-il quand je ne répondis pas.

Il me tira les cheveux jusqu'à ce que j'ais mal... c'était toujours comme ça que ça commençait.

- Bonsoir Sterco.

- Pas Sterco, Maître.

Je le regardais avec un demi-sourire, il savait que je ne le dirais pas et il aimait ça parce qu'il pourrait ainsi commencer à jouer avec moi. Il me gifla. Fort. Du revers de la main. Ma tête partit sur le côté mais je la redressais comme s'il n'y avait pas milles aiguilles qui me trouaient le cerveau de douleur, comme si je n'avais pas senti ma lèvre se fendre et le sang gicler dans ma bouche, l'emplissant d'un goût métallique. Je fixais le mur en face de moi comme si rien ne s'était passé. Plus je restais stoïque, plus il s'énervait. Plus il s'énervait, plus il perdait le contrôle. Et plus il perdait le contrôle, plus j'avais de chances de pouvoir m'échapper.

- Je te l'ai dit Soraya, ce soir c'est ta dernière chance. Tu te soumets ou tu meurs. Tu m'as déjà trop fait perdre mon temps.

Je savais que c'était faux, Zekké m'avait dit que j'étais celle qui avait tenu le plus longtemps et que Sterco aimait ça. Néanmoins il commençait à se lasser de moi. Si je ne cédais pas ce soir, ma vie deviendrait encore plus horrible qu'elle ne l'était actuellement. Zekké avait préparé ma nouvelle cellule et il m'avait dit que je n'y survivrais pas. Sauf que si je cédais je ne survivrais pas beaucoup plus longtemps non plus. Comme je ne répondais pas il me gifla encore mais de l'autre coté cette fois. La douleur se déchaina mais j'y étais habituée maintenant. Je ne bougeais pas. La soirée commença. Enfin. Il envoya son poing dans mon ventre, je me pliais en deux de douleur et il en profita pour assener un grand coup à l'arrière de ma nuque. Je tombais par terre sans émettre un bruit. Seule le souffle rapide de ma respiration traduisait ma douleur. Ca l'énervait encore plus quand je ne faisais pas de bruit, quand je ne montrais pas que je souffrais. Alors je me relevai et il se déchaina. A chaque fois qu'il arrivait à me mettre par terre, ce qui était assez simple étant donné que je ne me défendais pas, je me relevais. Et je le regardais dans les yeux avec un sourire narquois. A chaque fois. Je vis peu à peu la rage l'envahir, ses yeux froids luisaient. Du sang éclaboussa son visage et je me concentrai sur ce contraste pourpre contre sa peau blanche pour tenir. J'eus de plus en plus de mal à me retenir de crier. Je souffrais tellement de partout que j'avais l'impression que mon corps allait se disloquer. Et arriva finalement le coup où je ne pu m'en empêcher, je criais pour essayer de me libérer de la douleur. Je l'entendis rire de joie, d'une joie malsaine, comme lui.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant