Texte n°537

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PROLOGUE

Je fixais l'horizon, bercé par le fracas des vagues qui venaient s'écraser sur les roches escarpées. La bruine légère qui m'enveloppait rajoutait quelque chose de fascinant au paysage. Froid, sombre, sauvage. Totalement aux antipodes de ce qu'il était, huit ans plus tôt. Les squelettes d'arbres morts tendaient leurs bras vers le ciel noir, paraissant appeler à l'aide dans la plainte aiguë du grincement de leur tronc. Je passais machinalement une main dans mes mèches brunes, chargées de l'humidité ambiante.

-Le Neverland s'effondre, Peter.

Je tournai la tête en direction de la voix nostalgique. James sondait les flots impétueux de son regard bleu azur. Il n'y avait pas de peur dans ses mots, simplement une pointe de regret.

-Le Neverland s'effondre depuis huit ans, Hook. Ce n'est que maintenant que tu le remarques ?

L'homme ne releva pas le cynisme de mon ton.

-Que vas-tu faire ?

Je laissai un silence répondre à ma place. Il n'y avait rien que je puisse faire. Bientôt ce monde s'écroulerait, engloutissant avec lui chaque vie, chaque âme, détruisant chaque parcelle de l'île comme s'il s'était s'agit d'un fétu de paille.

James me saisit brusquement par les épaules.

-Que vas-tu faire, gamin ? Que vas-tu faire pour sauver le Neverland ? Tu ne peux pas nous abandonner, Peter Pan n'abandonne jamais. Tout le monde place ses espoirs en toi !

Il me secoua avec vigueur, les yeux écarquillés. Avait-il peur, finalement ? Un sourire las étira mes lèvres. Qu'ils meurent tous, peu m'importait. Le destin de l'île était scellé, à présent.

-Peter Pan est mort avec le Neverland, répliquais-je froidement.

Mécaniquement, je me levai et me laissai glisser du rocher sur lequel j'étais assis. Les bourrasques de vent s'entortillaient autour de moi, inquisitrices, perfides, semblant accuser mon irresponsabilité. La nature s'acharnait à souligner mes faiblesses, à me rappeler où que j'aille que celui que j'étais avant n'était à présent qu'une ombre criminelle, rampant sans but à travers ce monde au bord de la destruction.

-Tu sais ce qu'il te reste à faire, Peter, cria la voix du Capitaine à travers le tumulte du vent. Tu dois la ramener. Tu dois ramener la fille !

Je fermai les yeux, laissant monter la haine et la rage qui vivait au fond de mon âme. Je sentais les pernicieuses tentacules de ma colère s'enrouler autour de mon esprit. Qu'ils arrêtent tous de parler d'elle comme d'un exutoire, qu'ils cessent de raviver toujours plus la douleur, la peine, la souffrance. Il n'y avait que ça que la gamine pouvait ramener avec elle. Elle n'était pas la solution, pourquoi ne voulaient-ils pas comprendre ? Pourquoi étaient-ils si aveuglés ? Elle était le fléau, la cause de la tragédie du Neverland, elle ne méritait que la mort. Je brûlais d'envie de la tuer, de planter mon poignard dans son cœur palpitant, d'écouter son silence mortuaire une fois son crime punit.

Elle devait payer pour ce qu'elle avait fait. Peut-être fallait-il qu'elle revienne, après tout ?

CHAPITRE 1)

Hasards.

Mes pieds martelaient le sol avec empressement, laissant autour de moi un écho percutant les murs du long couloir vide. Les lumières d'urgences peu vaillantes vacillaient péniblement et perforaient l'obscurité d'un léger halo vert tremblotant.

Mes joues chauffaient sous l'effort de ma course et mon souffle saccadé semblait vouloir écraser mes poumons. Une goutte de sueur dégoulina de ma tempe pour s'écraser sur le carrelage sale que le temps avait noirci. Mon pied écrasa malencontreusement un jouet qui lâcha un bruit tonitruant.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant