Texte n°480

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En cet instant précis, rien ne semblait plus calme que le chemin qui s'élançait entre les hautes herbes en contrebas. Mais elle savait pertinemment qu'il viendrait. Qu'il serait là. Cela semblait pourtant un choix peu judicieux puisqu'il se retrouverait en terrain découvert à l'instant précis où il poserait le pied hors de la forêt, sur la terre du sentier battu.

L'œil collé au viseur de son arme, elle attendait patiemment. Elle s'était allongée à même le sol, sur un promontoire rocheux, là où aucune personne venue de la plaine ne la verrait, à moins de regarder attentivement. Très attentivement, pour percevoir seulement l'embout du canon de son arme braquée sur elle, minuscule à cette distance-là.

Lorsqu'il s'aventura enfin en terrain découvert, elle décala imperceptiblement l'arme, affinant son angle de tir. Elle ne voyait plus rien en dehors de la lunette du viseur, où son œil avait pris l'habitude de regarder. Mais ici, il n'y avait pas qu'un regard. Il y avait une véritable traque qui couvait, selon la loi du plus fort. Et forte, elle se savait l'être, bien qu'appuyer sur la détente n'en requiert aucune. Mais c'était le cas de tout le reste de cette épreuve, auquel les plus faibles ne pouvaient survivre.

Tandis que la silhouette de l'homme en contrebas s'approchait de l'endroit qu'elle visait, son doigt se posa sur la détente. Son souffle se fit de plus en plus calme, presque imperceptible, jusqu'à ce qu'il ne se fasse presque plus entendre. Il n'y avait plus que la prochaine balle qu'elle userait.

C'est cet état absolu qui lui permit de l'entendre. Il n'aurait pas dû tant attendre.

D'un bond, elle se releva, plongea la main dans un pan de sa veste et se retourna vivement. Mais avant qu'elle n'ait pu tirer avec son revolver dissimulé, son agresseur avait tiré et une balle s'enfonça dans le cœur de la jeune femme aux cheveux blancs.

Un vulgaire piège. Ce n'était qu'un vulgaire piège, une mascarade à laquelle elle s'était laissée prendre.

***

Une douce lumière tamisée accueillit Ydia à son réveil. Lorsque ses paupières découvrirent ses yeux, elle contempla sans mot dire l'écran holographiques déployés autour de sa tête. Au milieu, une vidéo tournait, montrant la suite de la partie pour les morts voulant la suivre. Dans un coin, son avatar tournait doucement, lui rappelant la cuisante défaite qu'elle avait subi. Il ne lui en restait plus que deux, seulement deux... et elle aurait gagné.

De sa main gauche, elle effleura sur la représentation d'elle-même. L'avatar envahit l'écran entier tandis que les autres informations du tableau disparaissaient au profit de différents items. D'un geste assuré, elle fit glisser un bouton qui augmenta la taille du personnage. Elle avait bien trop souffert de l'escalade de l'escarpement en voulant privilégier une petite stature permettant de se faufiler partout. Elle se devait de pouvoir allier les deux.

Elle considéra d'un long regard pensif les cheveux blancs qui surmontaient le crâne de son avatar, montés en épi, court pour une fille, mais long pour un garçon. Peut-être que cette couleur avait permis à son agresseur de mieux la repérer. Mais d'un autre côté, elle ne s'était jamais résolue à la changer, attachée à ses véritables cheveux, de la même teinte, qui tapissait l'oreiller sur lequel sa tête reposait.

Les lèvres pincées, elle modifia leur couleur, passant à un brun bien plus commun, avant de les allonger et de les coiffer plaqués sur son crâne. Cela lui faisait une drôle de sensation, comme si une partie d'elle-même était arrachée, alors que ce n'était qu'un avatar, mais elle chassa ces pensées, une petite voix rassurante lui soufflant que ce n'était qu'un test, pas définitif après tout.

Elle contempla une dernière fois son avatar, au visage indubitablement féminin, mais presque dépourvu de seins - elle s'était vite rendue compte au cours de ses précédentes parties que s'allonger à plat ventre sur le sol avec de la poitrine n'était vraiment pas confortable - avant de fermer cet onglet. Quel ne fut pas son étonnement en découvrant que la vidéo tournait toujours, les deux personnes restantes en jeu n'en avait pas fini l'une avec l'autre.

La cave - niveau -3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant