Premier lundi d'octobre, 9h58.
Avant de pénétrer dans ma classe, je poussai un soupir angoissé, le cœur douloureux. J'avais passé le stade où je ne comprenais plus mes réactions, je m'étais déjà résigné à accepter ce que je ressentais, même si je me détestais pour cela. C'était pire depuis la dernière cession, je n'avais pas cessé de penser à elle.
Lors de sa semaine de cours, elle avait paru si froide et détachée. Son humeur avait tant changé, elle avait tant changé en l'espace d'un été. C'est à peine si elle m'avait accordé un regard ou une parole. Plus de vannes, plus de sourires. Elle m'avait inquiété et, même si j'étais soulagé de pouvoir la retrouver aujourd'hui, afin de jauger son état, j'avais été dans l'angoisse tout au long de ces dernières semaines, alors qu'elle était si loin de mon regard. Mais aujourd'hui, j'appréhendais de la revoir enfin.
Elle m'avait manqué.
Dans quel état allais-je la retrouver, cette fois ?
L'estomac au bord des lèvres, j'entrai d'un pas, vissant un sourire de circonstance sur mon visage. Je m'étais toujours appliqué à être le même, cordial et accessible, je n'allais pas flancher maintenant. Je me dirigeai vers mon bureau, sans un regard à la classe. Je me refusai à la chercher du regard tout de suite.
— Bonjour à tous ! lançai-je d'une voix forte. Asseyez-vous, s'il vous plait !
Le brouhaha qui suivit m'autorisa à lever les yeux une seconde et automatiquement, ils se dirigèrent en premier lieu vers sa place habituelle et mon cœur rata un battement tandis que mon estomac se soulevait. Elle allait encore plus mal que la dernière fois. Elle avait encore perdu des couleurs et du poids. Ses vêtements sombres, tranchants sur sa peau pâle, semblaient bien trop grands pour elle, dissimulant ses formes. Son col roulé montait si haut que d'un mouvement, elle pouvait dissimuler son visage à l'intérieur. Coiffée d'une queue de cheval négligée, la tête rentrée dans les épaules, elle semblait vouloir disparaitre, son sac sur les genoux.
— Eva, peux-tu poser ton sac par terre, s'il te plait ? lui demandai-je d'un ton plus doux que je ne l'aurais souhaité.
Je l'avais interpellée exprès. J'avais besoin qu'elle lève les yeux vers moi, besoin de croiser son regard bleu espiègle, de voir ses fossettes se creuser tandis qu'elle me souriait timidement. J'avais besoin de voir son visage se colorer en esquivant mon regard.
Mais rien.
Elle se contenta de baisser la tête un peu plus, sans un mot, sans même acquiescer. Avant de s'exécuter, elle sembla vouloir serrer une dernière fois son sac dans ses bras, tel un rempart contre elle et le monde extérieur. Cette pensée me brisa.
Que lui était-il arrivé ?
Je me promis de l'attraper seul à seule, une fois encore, pour la questionner, la pousser à me parler. La dernière fois avait été un échec. Elle m'avait simplement assuré que tout allait bien, tout en fuyant mon regard. Je n'avais pas insisté, persuadé que je la mettais trop mal à l'aise, à présent que nous savions tous les deux ce que Chloé Jaillard était venue me révéler. Bien sûr, elle n'avait fait que confirmer ce que j'avais deviné tout seul. Eva était si lisible !
Même si je n'ignorais pas ce qu'elle devait endurer, toute seule, à présent que sa meilleure amie lui avait tourné le dos, j'avais la certitude que ce n'était pas la situation à l'école qui l'avait mise dans cet état. Il y avait forcément autre chose. Je devais le découvrir.
C'est avec cette idée en tête que je passai ma journée, un peu ailleurs. Eva occupa mes pensées sans discontinuer. Une fois qu'elle était hors de mon champ de vision, je n'étais plus vraiment moi-même. La savoir dans le même établissement me rassérénait cependant. Ici, même avec la défection de Chloé, elle était toujours sous la surveillance de quelqu'un.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...