Chapitre 75

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— Que s'est-il passé ?

Sa voix impérieuse m'arracha un frisson. C'était la première fois que je l'entendais depuis un moment, mais je ne pensais pas m'habituer à son ton, à ses manières si peu humaines.

— Bonsoir, appuyai-je avec agacement. Je pensais pourtant que vous étiez à cheval sur la politesse.

Ce n'était pas le moment, mais je n'avais pas pu m'en empêcher.

— La politesse serait de ne pas coucher avec ma fille mineure.

— Et moi qui espérais qu'on avait dépassé ce stade, soupirai-je pour moi-même.

Prononcer ces mots à voix haute n'était pas le plus malin, surtout juste avant de lui annoncer la nouvelle agression de sa fille, mais j'étais à bout. Et dans le déni, très clairement, mais j'avais tout de même pensé qu'après un temps d'adaptation, notre relation aurait été un peu plus chaleureuse.

— Pas tout à fait, on va même avoir tendance à régresser si vous ne me dites pas immédiatement ce qu'il s'est passé avec Evangeline.

Ça commençait bien, mais je m'y étais attendu. Je me laissai tomber sur un tabouret du mange-debout avant de lâcher un grognement las.

— Vous êtes assis ? fis-je, solennel.

Il ne répondit pas tout de suite, comprenant sans doute dans mon ton l'importance de mon appel. Après un court moment, il répondit, tout aussi sombre que moi :

— Oui. Abrégez.

Mon estomac se noua et je passai une main nerveuse dans les cheveux, levant les yeux vers la porte de la cuisine, inquiet qu'Eva puisse m'entendre.

— Vous vous souvenez du gamin qui a tenté de l'embrasser ? lâchai-je en baissant la voix. J'avais fait en sorte qu'il soit licencié et puisqu'il est suspecté de s'en être pris à une vendeuse sur son lieu de travail, il n'a pas fallu insister pour que son patron se sépare de lui.

— S'en prendre à elle de quelle façon ? demanda-t-il, le ton lourd.

Je savais très bien ce qu'il voulait entendre et je retins un frisson, refusant d'imaginer ce qu'il aurait pu arriver à Eva si Andy n'était pas arrivé assez vite.

— Vous le savez, lâchai-je dans un souffle.

Il ne fallut pas longtemps pour qu'il emboîte les pièces.

— Il s'en est pris à Eva ? gronda-t-il, furieux.

C'était autant une question qu'une affirmation et je ne mentis pas.

— Oui. Mais il n'a fait que la gifler, de ce que j'ai compris.

Même si Eva ne me l'avait pas dit, la couleur de sa joue, sa lèvre enflée, j'avais fait le lien tout seul. Je n'avais juste pas les détails de ce qu'il s'était passé ensuite. Jean-Philippe garda le silence quelques secondes, je devinai sans mal qu'il était sonné, puis soupira avant de reprendre.

— Comment va-t-elle ?

— Elle encaisse, pour l'instant. Elle-

— Où est-elle ? m'interrompit-il soudain. Je vais la chercher.

— Non, elle n'est pas... Je veux dire...

J'avais été pris de court, je n'avais pas réagi comme il fallait et son grondement me tétanisa.

— Elle est chez vous.

La tempête menaçait et je fermai les yeux, me retenant de me frapper le front du plat de la main.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant