Chapitre 42

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Comme prévu, Sophie m'attendait de pied ferme, assise dans le canapé du salon. La pièce était devenue une immense salle de jeu en mon absence. Nous étions à Eden-land. Je lorgnai autour de nous, sans voir les parents, ni le petit monstre, et je trouvai tout à coup la maison bien trop silencieuse. Je fronçai les sourcils en m'installant dans un fauteuil face à Sophie.

— Où ils sont tous passés ? demandai-je innocemment.

— Les parents sont partis promener Eden en voiture, en espérant qu'elle s'endorme en route.

— Bonne idée ! admis-je.

Je récupérai mon mug de café, mais celui-ci était froid et je le reposai, dégouté.

— N'est-ce pas ? Je la connais comme si je l'avais faite !

Je pouffai et elle se redressa, posant les coudes sur ses cuisses, plongeant son regard dans le mien, une mine vorace sur le visage. Je roulai des yeux et, alors qu'elle ouvrait la bouche, je lançai, l'interrompant :

— Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat.

— Eva, c'est ça ?

Je me crispai aussitôt et elle ricana ouvertement.

— Fallait voir ta tête quand tu as vu que c'était elle qui appelait ! Une vraie guimauve, c'est terrifiant !

— Tu as lu par dessus mon épaule ? grommelai-je, agacé.

— Tu as dégainé devant moi, j'ai pas eu beaucoup d'efforts à faire pour voir !

— T'es insupportable, répliquai-je en croissant les bras sur mon torse.

Je détournai le regard, fixant un point invisible à l'extérieur.

— Allez, ne sois pas comme ça ! se récria Sophie. Je suis contente de voir que tu t'es enfin retrouvé quelqu'un. Vraiment ! Comment vous vous êtes rencontrés ? C'est sérieux ? Tu comptes nous la présenter un jour ?

— Putain, Sophie !

Je passai une main sur mon visage, dépité, et la fixai d'un air sombre.

— C'est bien pour ça que je voulais pas en parler. Bordel...

— Ça fait combien de temps ?

— Merde, là ! m'énervai-je soudain.

Elle se mit à bouder, me laissant respirer. J'aurais pu lui dire qu'Eva était une jeune femme incroyable, étonnante, intelligente et pleine d'esprit. J'aurais pu lui expliquer à quel point elle me faisait du bien, à mon cœur et mon âme. J'ignorai ce qui me retenait : mon statut et l'illégalité de notre relation ? Ou l'impression de la trahir, en parlant trop d'elle, sans son accord ?

— Et sinon, tu passes le nouvel an avec elle ?

— Non, avec Pierrick.

Elle se redressa vivement, me fixa avec des yeux étonnés.

— Oh, sérieux ?

— Ça fait longtemps, et ça permettra de faire son anniversaire en même temps, ajoutai-je nonchalamment. Et de rencontrer son fils.

— Sacré Pierrick. Comment il va ?

Je racontais les dernières nouvelles, son aide précieuse pour le concours, nos appels réguliers, nos rapports qui étaient redevenus comme si rien ne s'était jamais passé. En parler avec Sophie était plus libérateur que d'en parler avec nos parents. Sophie n'avait pas changé d'attitude envers moi, après l'accident. Ma mère était devenue ultra-protectrice et savoir que j'allais revoir Pierrick l'aurait fortement angoissée. Je n'avais ni besoin ni envie de ça. C'était quelque chose qu'elle n'avait pas réellement saisi et ce qui me faisait passer moins de temps avec elle. Me traiter comme du lait sur le feu était étouffant.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant