— Mon père va me tuer. Et toi avec.
Un silence accueilli ses mots et je caressai doucement ses cheveux, puis son dos. L'estomac noué, c'était sans doute le bon moment pour tout lui dire, mais je craignais trop sa réaction. Encore plus celle de son père. Il était encore possible pour lui de m'atteindre, si je contrariais ses plans. Ici, comme à Paris, en refusant d'aider sa fille à s'installer. Il en était capable, retors comme il était.
— Il n'est pas au courant ? demanda timidement Sophie.
Je levai les yeux vers les siens et hochai la tête en mettant mon index devant ma bouche, lui intimant de se taire. Elle me jeta un regard courroucé, mais je l'ignorai et me penchai vers la jeune femme. J'embrassai sa tempe et dégageai une mèche de cheveux de son visage en caressant sa joue au passage.
— Tu devrais vraiment commencer à lui en parler, suggérai-je, rassurant. Au moins pour la partie de nos projets.
— Quand il va apprendre que t'es mon prof..., gémit-elle.
Était-elle trop fragile encore ? Dans quel état cette discussion pouvait-elle la mettre ? Elle n'avait plus fait de crise d'angoisse depuis longtemps, mais rien ne disait que tout avouer à son père ne la mettrait pas dans tous ses états.
— Si tu ne te sens pas de le lui dire, alors ne lui dit pas, fis-je, soucieux.
— Et puis quoi encore ? s'exclama soudain Sophie. Il a le droit de savoir !
— S'il te plait, ce n'est pas le moment, claquai-je fermement.
— Elle a raison, céda-t-elle tout de même. Elle a raison, je ne peux pas continuer à lui mentir. Dès que je vais lui dire que je compte habiter avec toi, il va insister pour te rencontrer, c'est évident. Je ne pourrais pas l'en empêcher.
Elle sembla pousser un gémissement plaintif et secoua la tête.
— Il va forcément te reconnaître, il va forcément... Il est temps qu'il sache.
— D'accord, acceptai-je, sans réserve.
Elle leva les yeux vers les miens et me sonda, inquiète. Pourtant, c'était pour elle que je me faisais du souci. Cette épreuve à venir était déterminante pour elle, je m'en rendais compte. Elle qui ne s'était jamais confiée à son père, quel que soit le sujet, elle allait s'ouvrir à lui, lui donner la possibilité de réduire son bonheur à néant, s'il le souhaitait. Il avait un tel pouvoir, sur elle, qu'elle le craignait évidemment. J'espérais qu'elle comprenait que je serais présent pour elle, et que j'étais prêt à l'accompagner quand elle le souhaitait.
— Je ne sais pas encore quand j'en aurais le courage, cela dit, avoua-t-elle, comme si elle lisait mes pensées.
— Tu pourras de toute façon compter sur moi si jamais ça ne va pas, la rassurai-je chaudement.
— Luc..., intervint ma sœur.
— Quoi, encore ?!
J'avais haussé le ton, faisant sursauter Eva, mais le ton suppliant de Sophie ne me plaisait pas. Quoi qu'elle ait à me dire, je savais que ça n'allait pas me plaire et je me tournai vers elle, le visage crispé par la colère.
— Je vois bien ce que tu en penses, pestai-je durement. Mais je te préviens que si tu oses le formuler, on va difficilement s'en remettre toi et moi !
— Non mais, sérieusement ? s'écria-t-elle. Je suis venue parce que je m'inquiétais pour toi, et voilà comment tu me traites ?
J'eus un reniflement dédaigneux.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...