Chapitre 64

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Nous jouâmes pratiquement deux heures. Ponctuellement, je me levai, vérifiant que mes autres apprentis allaient bien et retournai jouer avec le trio. Je m'amusai comme un gamin et une certaine complicité s'installa entre les garçons et moi. Ils se moquèrent d'Eva quand elle se rebiffa devant ma tentative de triche, regardant ses cartes dans le reflet de la vitre, me vannèrent sur mon pauvre niveau d'anglais, au point que je dus demander à la jeune femme de me traduire certaines cartes, et nous terminâmes par une nouvelle victoire de James. Je découvris un Antoine légèrement mauvais perdant, un James insouciant et drôle, et mon Eva, qui se libérait de plus en plus.

J'étais ravi de passer du temps avec elle, ainsi, en toute simplicité. Elle semblait tout aussi heureuse que je sois près d'elle, avec ses amis. C'était comme faire entièrement partie de sa vie. Elle n'avait pas à jouer, à dissimuler son affection pour moi. Nous nous amusions, simplement, sainement. Quand James rangea ses cartes, j'étouffai un bâillement tout en consultant ma montre. Il nous restait un peu plus d'une heure de trajet.

— Si ça ne vous ennuie pas, je vais tâcher de me reposer un peu, fit soudain Eva en s'enfonçant dans son siège.

— Après une défaite pareille, je serais épuisé aussi ! ricana Antoine.

J'eus un sourire amusé et jetai un regard vers Justin, qui s'était endormi devant son ordinateur. Je lâchai un soupir, indécis.

— Je vais quand même rendre sa place à Andy, glissai-je sans conviction.

— Comme vous voulez, soupira Eva d'une voix déjà lointaine.

Je ne voulais pas quitter ma place, et voir que je ne manquais pas à Justin me convainquit de rester un peu plus. Je ne savais pas sur quoi il travaillait récemment, mais il passait beaucoup de temps au téléphone ou à préparer des dossiers, pour l'école. Je sentais bien qu'un projet se dessinait, et j'aurais bien aimé savoir quoi. Pour le moment, il ne me consultait pas, ce qui m'informait que je n'étais pas concerné. Et ça m'allait. Avoir été la mascotte du stand au Sirha n'avait pas été un exercice très amusant.

Je me laissai aller contre le siège inconfortable et aussitôt, le genou d'Eva se colla au mien. Je retins un sourire et pressai ma cuisse contre la sienne à mon tour, frustré de ne pas pouvoir lui tenir la main, lui embrasser la tempe, lui caresser le visage, ou l'enlacer. Il ne fallut pas longtemps pour qu'elle s'endorme et sa tête bascula sur mon bras. Son souffle lent m'enveloppa. J'eus la vision de notre nuit dans le labo, cette nuit où j'avais trouvé toutes les excuses du monde pour la serrer contre moi, appuyant sa tête contre mon torse. J'aurais donné n'importe quoi pour pouvoir le faire, maintenant. Je dissimulai un soupir de frustration, vérifiai que les garçons face à moi dormaient également, et je fermai les yeux à mon tour.

Je ne dormis pas réellement, je n'étais pas supposé le faire. James se réveilla un peu plus tard et me lança un regard interrogateur en avisant Eva et je haussai les épaules, fataliste. Il roula des yeux sans rien ajouter et se plongea dans son smartphone. Le calme et le silence du train étaient reposants. Je profitai de ce temps mort pour imiter James, et essayer de comprendre le fonctionnement d'Instabook. Pierrick m'avait envoyé une liste de chefs à suivre et j'avais cliqué sur les noms un peu au hasard, me constituant une base de personnalités intéressantes qui me suivraient en retour. C'était la partie que j'appréhendai un peu, en travaillant pour lui. Très suivi et apprécié sur les réseaux sociaux, il avait une image publique importante à maintenir, et il se mettait probablement beaucoup la pression pour assurer, ainsi que sur ses équipes. Il compterait sur moi pour alimenter mon profil et l'aider à maintenir sa popularité.

Eva se réveilla au bout d'une petite heure et, quand elle s'étira, s'excusa d'avoir bavé sur moi. Je lui proposai d'aller chercher un nouveau café et elle accepta en bâillant. Je me levai, les jambes endolories, et me penchai vers Justin, qui s'était remis à taper sur son ordinateur.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant