Chapitre 23

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Paniqué, je ne savais pas quoi faire. Répondre était la meilleure option, mais que lui dire ? Comment avait-il pris mon message ? Allais-je me faire engueuler ? Le souffle coupé par l'angoisse, je fermai les yeux et appuyai sur la touche verte, avant de porter le téléphone à l'oreille, une boule dans la gorge.

— Allô ? articulai-je difficilement.

— Salut, mon p'tit Lu !

Ce surnom me réchauffa le cœur et je sentis mes yeux s'humidifier. L'entendre me ramenait presque trois ans plus tôt, quand nous étions encore si proches, malgré la distance géographique. Il était parti à Paris pendant que j'étais chez Rupert, mais ça ne nous avait jamais empêché de nous appeler régulièrement, de nous voir certains week-ends. Après tout, nous avions été une famille, durant un temps. Je soupirai doucement.

— Salut, Mo, répondis-je faiblement. Comment tu vas ?

J'étais le seul à l'appeler comme ça. N'ayant pas trouvé de surnom à son prénom, j'avais choisi un diminutif à son nom de famille : Morvan. Il avait trouvé ça très étrange, mais avait accepté facilement celui-ci.

— C'est à toi qu'il faut poser la question, monsieur le prof ! lança Pierrick avec bonne humeur.

— Oh bordel, t'es au courant ? Comment ?

J'avais honte, tout à coup, et regrettai presque d'avoir répondu.

— Tu ne sais pas que le CFA a une page Instabook ? s'étonna-t-il. T'es dessus.

— Ah...

— Ça doit te faire bizarre, de retourner là-bas, non ? Ça a changé depuis le temps ?

Il agissait comme s'il ne s'était rien passé, comme si nous nous étions appelés la veille, et un intense soulagement allégea ma cage thoracique. Sa curiosité franche, sa nonchalance, il faisait très certainement exprès de me lancer sur un sujet facile. Sa bienveillance, son amitié sans failles me heurtèrent de plein fouet et ma gorge se noua. Méritais-je vraiment un ami pareil ? Je déglutis et me laissai tomber dans le canapé, lui racontant ce qu'il s'était passé après l'accident.

Philippe qui m'avait récupéré, m'avait aidé à passer le concours pour être prof, avait soutenu ma candidature. Il avait très sûrement peint un portrait très flatteur, pour que Justin accepte de m'embaucher aussi rapidement, mais mon nom, ma notoriété, ma proximité avec le célèbre Pierrick Morvan, avaient probablement joué. Mon interlocuteur pouffa à ces mots.

— On dirait que tu parles d'un acteur, se moqua-t-il.

— Eh, presque ! m'exclaffai-je. Pour certains de mes apprentis, tu es Iron Man !

Il éclata de rire tandis que mes pensées me ramenaient à Eva. Il était son Tony Stark, sa célébrité préférée. Arriverais-je à les faire se rencontrer un jour ? Allait-elle m'oublier, quand ça sera fait ?

— Comment va ce vieux Pascali ? lança soudain Pierrick. Il n'a toujours pas pris sa retraite ?

Je ricanai à nouveau. Déjà lorsque nous étions jeunes, nous débattions sur l'age de Philippe, qui nous paraissait être un dinosaure.

— Sa femme a encore quelques années à faire, je pense qu'ils partiront en même temps, expliquai-je avec un sourire. Ils font déjà mille projets !

— Ça doit être sécurisant, de pouvoir compter sur lui.

Je hochai la tête, mon cœur rata un battement en me rappelant ce par quoi j'étais passé. Ce à quoi j'avais survécu, grâce au soutien de Philippe.

— Il m'a beaucoup aidé, confiai-je, ému. Et c'est aussi à cause de lui que je me suis inscrit au Sirha cette année.

— Tu déconnes !

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant