De retour au CFA, les félicitations se succédèrent à nouveau. On ne me parlait plus que de ça, collègues comme apprentis, ils étaient tous émerveillés, impressionnés et ravis pour moi. Ne manquait que les soirées avec Eva pour atteindre la plénitude. Nous nous appelâmes tous les jours, compensant la distance par les appels fréquents. J'étais enveloppé d'une telle bienveillance que je me sentais comme dans une bulle de bien-être. Ainsi, même une fois seul chez moi, sans la chaleur d'Eva, je n'étais pas malheureux.
J'aurais dû me douter que ça ne durerait pas.
Jeudi après-midi, j'étais au labo avec les premières années. C'était bientôt l'heure de la pause et ils s'étaient un peu relâchés, probablement grâce à mon humeur magnanime du moment, et les vannes fusaient, comme les éclats de rires. Juste avant la sonnerie, Ewenn, un apprenti de Philippe, toqua à ma porte et je l'invitai à entrer.
— Pardon, chef, y'a un appel pour vous, m'informa-t-il timidement.
La cloche retentit dans l'école et je libérai les gamins qui bondirent hors de la classe comme des enragés.
— Bordel, dans le calme, les débilos !
Ils se marrèrent, mais obéirent en rejoignant le couloir, tandis que je suivais Ewenn jusqu'au labo voisin, vidé également de ses apprentis. Le jeune garçon s'excusa et détala dès que j'entrai. Philippe se tourna vers moi et enleva sa toque avant de me faire un signe de tête.
— Tu me rejoins pour le café ?
— Ça marche, fis-je avec un sourire.
Il quitta la pièce en fermant derrière lui tandis que j'attrapai le combiné d'un geste leste et le portai à mon oreille, avant de m'annoncer :
— Luc Baillet, j'écoute.
Un étrange silence me répondit et je crus qu'il n'y avait personne au bout du fil. Avais-je trop tardé pour répondre ? Non, j'entendais un souffle. Je fronçai les sourcils.
— Allô ?
— Luc, hein ? grogna un homme.
Il avait insisté sur mon prénom, d'une voix étrangement familière, qui provoqua des frissons incontrôlables dans mes membres. Où l'avais-je déjà entendue ?
— Je vous demande pardon ?
— De toutes les personnes... comment... en sachant ce qui lui est arrivé...
Jean-Philippe. Jean-putain-de-Philippe. Je ne sus pas quoi répondre et je sentis une vague de panique déferler en moi. Mon rythme cardiaque accéléra, mon estomac se noua douloureusement et mes mains devinrent soudain très moites.
— J-je..., bégayai-je.
— Je vais vous tuer.
Cette déclaration me fit trembler. Le timbre de sa voix me foudroya et je déglutis.
— Parlons-en calmement, essayai-je de tempérer.
— Vous me demandez d'être calme ? cracha-t-il.
Le ton montait progressivement et je fermai les yeux, prêt à entendre la tempête déferler.
— Vous vous foutez de ma gueule ? Depuis le début ? tonna-t-il avec force. Depuis le début, vous vous foutez de moi ! Je vais vous massacrer, j'en ai rien à foutre de finir en taule, ça va pas se passer comme ça, espèce d'ordure !
Il me hurlait dessus. Je l'avais mérité, même si je n'y étais pas préparé.
— Mes arguments de la dernière fois n'ont pas changé, soufflai-je.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...