Le tour du lac nous demanda près de deux heures, où nous croisâmes d'autres promeneurs. Certains avaient sorti les raquettes, d'autres avaient choisi les traineaux tirés par des huskys. Emmitouflés comme nous étions, il était impossible de nous reconnaître, alors nous déambulâmes parmi eux avec sérénité, tout en échangeant des banalités. Quand je commençai à avoir faim, je proposai à nouveau à Eva d'aller manger dans le domaine, mais elle refusa, sans surprise.
— Aucun problème, la rassurai-je tandis qu'elle plissait la bouche d'un air désolé. Il y a un restaurant asiatique, sur le chemin, tu veux qu'on commande à emporter là-bas ?
Elle hocha la tête et je sortis mon téléphone, retrouvant la page web du restaurant. Installés dans ma voiture, chauffage à fond, je notai ses choix, puis les miens, et appelai le restaurant qui nous assura pouvoir nous servir vingts minutes plus tard. Avant de prendre le volant, je ne résistai pas à réclamer un baiser fougueux à la jeune fille, dont le visage vira écarlate, à mon grand plaisir. J'aimais tant être celui qui la faisait rougir !
De retour à la maison, nous nous installâmes à la cuisine et déjeunâmes sur le mange-debout. Elle sembla lorgner sur mon porc au caramel et je souris.
— Je t'en file, si tu me files du tien, négociai-je, amusé.
Elle leva les yeux au ciel et me tendit son assiette tandis que je lui piquai une crevette.
— La vache, ils ont chargé en coriandre ! grimaçai-je.
— Tu n'aimes pas ça ? s'étonna-t-elle en récupérant son plat.
— Je déteste ça, on dirait du liquide vaisselle.
— T'exagères pas un peu ? fit-elle en haussant un sourcil.
Je bus une gorgée d'eau et la fixai d'un air sérieux.
— Tu sauras, jeune fille, qu'aimer ou pas la coriandre est génétique. Soit on aime, soit on déteste, et c'est aléatoire en fonction des gens.
Elle plissa les yeux, visiblement peu convaincue.
— Tu te moques de moi, râla-t-elle, peu amène.
— Pas du tout ! Je suis on ne peut plus sérieux ! Tu regarderas sur internet, si tu ne me crois pas, petite effrontée !
Elle esquissa un sourire et elle se mordit la lèvre, hésitante. Ses pommettes rosirent et j'étais soudain intrigué. Quelle question préparait-elle ?
— Alors, ce concours que tu préparais, l'autre soir ?
Devais-je lui expliquer tout le cheminement, ou pouvais-je sauter tout de suite aux faits ? Mon cœur tambourina contre mes cotes, me décidant à lui dire.
— Oh, fis-je, d'un air faussement détaché. C'est pour le Sirha à Lyon, en janvier.
— Le Sirha ? répliqua-t-elle, interloquée.
La voilà, l'étincelle dans ses yeux qui me donnait des frissons. Cette fois, elle était pour moi et cette sensation d'être exceptionnel était grisante. Elle me fit perdre les pédales un instant. J'imaginai ses yeux pétillants, brûlant d'un tout autre désir que de celui de me voir faire des prouesses dans un concours. Je me secouai tandis que l'information semblait parvenir à son crâne. Elle rougit à nouveau et j'esquissai un sourire.
— Tu vas faire le championnat du monde de pâtisserie ? s'exclama-t-elle, surexcitée.
Je pouffai et mon cœur rata un battement tandis que je chassai mes pensées impures, mon Jean serrant un peu trop au niveau de mon entrejambe.
— Non, pouffai-je. Le championnat européen du sucre.
Eva parut distante un moment, son exaltation laissant place à une mine concentrée, pensive.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...