Chapitre 83

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— Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle m'avait tant manqué, mes émotions se bousculaient tellement, mon cœur luttait, mon corps avait envie de sa chaleur. Sa seule présence chez moi m'irradiait de bonheur. Je toussotai, la gorge se nouant d'émotion, mais Eva ne bougea pas, restant en retrait, le visage impassible.

— Pascali... répondit-elle simplement.

Évidemment. Je poussai un soupir las et détournai le regard, incapable de soutenir le sien, qui me sondait, qui semblait vouloir plonger dans mon âme. Je ne savais pas comment agir, que faire de cette opportunité de m'expliquer, de lui avouer mes faiblesses, mes torts ? Comment tout aborder ? J'étais perdu.

— Comment s'est passé ton entretien ? fis-je bêtement.

— Franchement, tu veux vraiment qu'on parle de ça ? s'exclama-t-elle, furieuse.

Je me détestais tant. Je fermai les yeux. Pourquoi était-elle venue ? Qu'avait-elle à me dire, pour qu'elle ait fait le déplacement, malgré mon texto ? Venait-elle me dire qu'elle me haïssait au moins autant que je me maudissais ? Qu'elle mettait un terme à notre relation, parce que ma défection de ce soir était la goutte de trop ? Je déglutis et tâchai de reprendre calmement, mais je ne pus que chuchoter lamentablement :

— Sérieusement, qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai envoyé un message pour te demander de reporter notre... discussion.

— J'ai eu peur pour toi, idiot, glissa-t-elle, le ton larmoyant.

Je levai les yeux vers elle et quand je vis ses joues humides, je voulus me lever, l'enlacer, la rassurer. Qu'elle ait eu peur pour moi fit bondir mon cœur d'espoir et l'arrivée de Sophie, les mains chargées de mon plateau, m'empêcha de bouger. Après que son regard ait fait la navette entre Eva et moi, elle posa le nécessaire à thé sur la table basse, en silence, avant d'aller près de la jeune femme. Elle lui attrapa la main et l'amena près du canapé, la poussant à s'asseoir près de moi. Eva déglutit et Sophie lui lança ce même regard d'avertissement de "grande" sœur qui me faisait frémir. J'eus un sourire, mais je me crispai dès que je sentis le parfum de fleurs de cerisier d'Eva me heurter de plein fouet. Des frissons me parcoururent et je retins un soupir en secouant la tête.

— Je vais acheter de quoi grignoter, pour vous laisser discuter, gronda Sophie, mains sur les hanches, en nous jaugeant du regard. Luc, tu vas devoir te sortir les doigts.

Me sortir les doigts du cul ? Sans la présence de mon amoureuse, elle l'aurait dit et je roulai des yeux.

— Grmpfh, répondis-je.

Elle me lança un large sourire sardonique avant de se tourner vers Eva, le regard plus amical, plus doux.

— Tu l'auras compris, mon frère a un gros souci de communication, mais il essaie de travailler dessus. Tu as ma permission de le frapper si besoin.

— Eh ! me rebiffai-je.

Eva hocha lentement la tête et je détaillai les traits de son visage. Elle était pâle, ses tâches de rousseurs se voyaient d'autant plus. Elle avait l'air fatiguée, avait-elle eu du mal à dormir, ces derniers jours ? Je remarquai aussitôt le discret maquillage qu'elle s'était appliqué sur les yeux et elle paraissait soudain plus adulte, plus mature. Elle était tellement belle, comment avais-je fais pour survivre sans la voir aussi longtemps ?

Sophie était déjà dans l'entrée et elle passa une tête par l'ouverture avant de lancer à Eva :

— Tu restes dîner avec nous ?

— Oui, répondis-je aussitôt.

Le regard courroucé de la jeune femme me tétanisa, mais même si je savais que j'avais fait une erreur en répondant à sa place, je n'avais pas pu m'en empêcher. Je ne voulais plus qu'elle parte. Jamais. Eva acquiesça sèchement à l'adresse de Sophie et elle partit à nouveau, fermant doucement la porte derrière elle.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant