Chapitre 41

209 34 37
                                    

Venir passer quelques jours avec ma famille avait quelque chose d'assez épuisant, mais rafraichissant également. Sophie trouvait toujours une solution pour me vanner sans vulgarité, épargnant les oreilles de sa fille, et notre mère enrageait à chacune de nos joutes verbales. Parfois, je me demandais si ma sœur ne le faisait pas aussi exprès pour la faire réagir, tant elle s'amusait de ses réactions. Notre père, fidèle à lui-même, restait un peu en retrait, mais participait aussi activement à faire tourner notre mère en bourrique. Elle boudait en partant jouer avec Eden, qui adorait passer du temps avec sa mamie.

Sophie semblait mieux respirer, avec trois autres paires de bras pour s'occuper de la petite fille, et me souvenir pourquoi elle devait l'élever seule me contrariait à chaque fois. Je parvins à ne pas imposer ma morosité à ma famille, heureusement. J'avais même le sentiment que, cette année, j'étais bien plus serein que les autres. La perspective de retrouver Eva dans quelques jours ? Celle de savoir que quelqu'un pensait à moi au moins aussi souvent que moi ?

La journée, même si je savais que ma petite Eva n'avait pas le temps de me répondre, je ne pouvais pas m'empêcher de lui envoyer des messages réconfortants, lui souhaitant bon courage, lui avouant qu'elle me manquait. Je vérifiais quand même mes messages régulièrement, attirant le regard curieux de ma sœur. Elle ne trouva pas de moments pour m'interroger avant le soir du vingt-quatre décembre, au cours du dîner incroyable que nos parents avaient préparé.

La table était déjà dressée depuis la fin d'après-midi, Sophie s'était démenée pour la décoration de celle-ci et, formation professionnelle oblige, s'était appliquée à la photographier sous tous les angles. Je posai ensuite pour elle, avec Eden et nous nous amusâmes beaucoup à faire des grimaces tandis que Sophie levait les yeux au ciel, et que nos parents éclataient de rire.

J'aidai à faire manger Eden et me proposai d'aller la coucher quand il fut l'heure. En revenant dans la salle à manger, le repas était servi et je m'installai aussitôt, affamé. Nous badinâmes sur les actualités, puis la météo tandis que notre père faisait le service et enfin, arriva le dessert. Ma mère amenait la bûche avec des gestes précautionneux et j'admirai aussitôt le travail de l'artisan.

— Vous l'avez prise chez qui, cette année ? demandai-je avec un sourire en ouvrant la bouteille de Cerdon que me tendait Sophie.

— Comment ça, ce n'est pas toi qui l'as faite ? s'indigna-t-elle faussement.

— Et quand est-ce qu'il aurait eu le temps ? la rabroua sèchement notre mère. Tu veux bien la couper, mon chéri ?

Elle tendit le manche du couteau à mon père qui accepta volontiers, se levant en me jetant un coup d'œil.

— On l'a pris chez notre pâtissier habituel, répliqua-t-il en réprimant étrangement un sourire. D'ailleurs, il m'a parlé des candidats au championnat européen du sucre du Sirha, il y a un nom qui lui disait quelque chose, ça te parle ?

Il coupa une tranche de la bûche en me lançant un regard amusé et je me mordis la lèvre, pris de cours. Il m'avait déjà parlé de son pâtissier, avec qui il échangeait régulièrement sur mon ancienne carrière, sur mes anciens concours. Je savais que ce pâtissier en question était un réel admirateur de mon parcours et discuter avec mon plus grand fan, mon père, devait être du pain béni, pour lui. Je ne m'étais pas attendu à ce qu'il lui révèle mon inscription, même si, ça me semblait évident, à présent.

Je ne lui en voulais pas, pas plus qu'à mon père, qui me vrillait de ses prunelles étincelantes de bienveillance et sa délicatesse me touchait. Ainsi, il me laissait le choix d'avouer, ou non. Je sentais, dans son sourire, qu'il avait l'information depuis longtemps, attendant juste le bon moment pour en parler, et son regard si fier me fit vaguement rosir. J'eus un sourire étonnement intimidé et hochai la tête, indiquant que j'allais tout dire.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant