C'était donc bien ça, quelqu'un lui avait fait du mal. Mes poings se crispèrent et je retins mon souffle un instant, faisant le vide dans mon esprit. Je fis à nouveau appel à mon sang-froid. Pour une fois, j'aurais tant aimé que mes émotions restent en sourdine ! Je regardai ma petite apprentie dissimuler son visage dans ses mains, luttant visiblement contre elle-même. Je compris qu'elle ne continuerait pas, alors je la relançai.
— Celui qui t'a fait du mal ?
Quand elle leva les yeux vers les miens, elle eut l'air inquiète sur ce que je savais. J'eus une moue d'excuse.
— Tu as parlé dans ton sommeil, glissai-je maladroitement. Tu m'as appelé pour que je reste. Je suis resté.
Elle rougit soudain et baissa à nouveau le regard.
— Je ne m'en souviens pas.
Elle mentait, et je n'étais pas dupe. Elle avait fait un cauchemar, sur l'homme responsable de son état, qui l'avait sans doute poussée à vouloir se tuer. Qu'avait-il fait ? Autre chose m'interpella. Si j'avais pu constater son état en ne la voyant qu'une dizaine d'heures par mois, comment était-il possible que personne d'autre n'ait rien remarqué ? Un frisson me parcourut, me rappelant que je l'observais peut-être un peu trop, mais je balayai cette idée. Je devais rester concentré et trouver une solution pour la faire parler.
— J'ai appelé ton patron, Laurent, il y a quelque temps, déclarai-je alors.
— Quoi ?!
Je tiquai soudain. Pourquoi ce ton paniqué ? Mes soupçons se dirigèrent aussitôt sur cet homme, son patron, plus jeune que moi, mais qui passait sa journée avec elle. Impossible qu'il n'ait rien vu.
— Pourquoi ? continua-t-elle, la voix partant dans les aiguës. Qu'avez-vous fait ? Que lui avez-vous dit ?
Son corps frêle fut agité de tremblements. De froid, de peur, je ne parvenais pas à le déterminer et, tandis qu'elle tâchait d'esquiver mes yeux, j'attrapai son visage entre mes mains, posant mes paumes chaudes sur ses joues glacées, la forçant à me regarder. Ses prunelles bleu foncé dans les miennes, je pourrais enfin lire en elle.
— Je lui ai juste demandé s'il avait remarqué quelque chose de bizarre, de différent dans ton comportement, déclarai-je avec lenteur. Je sais... savais que vous vous entendiez très bien.
J'avais rectifié sans y penser, ma colère revenait s'insinuer dans mes veines, mais je la contrôlais. Le visage d'Eva entre mes paumes, je devais impérativement me maîtriser.
— Je t'ai dit que je t'avais observé, j'ai aussi mené ma petite enquête ici, et à ton lieu de travail, ajoutai-je sombrement. C'est mon boulot. Il m'a simplement confirmé qu'en effet, tu étais plus réservée et plus distante et a invoqué des disputes avec ta mère et Chloé et que, si tu avais voulu lui parler de quoi que ce soit, tu l'aurais fait. Il m'a assuré qu'il ferait en sorte de te faire comprendre que tu pouvais lui en parler et c'est tout.
À nouveau, elle laissa couler quelques larmes et je vis ses poings se serrer sur ses genoux. Mon cœur rata un battement quand je l'entendis déglutir.
— Qu...quand avez-vous passé ce coup de fil ? articula-t-elle douloureusement.
— Environ un mois, avouai-je.
Son corps se figea et je compris. C'était lui. C'était Laurent qui avait brisé ma favorite. Son teint se fit crayeux et mes entrailles se mirent à brûler.
— C'est lui ? crachai-je.
J'en étais persuadé, mais javais ce besoin viscéral de l'entendre me l'avouer. Elle était pourtant trop affaiblie pour ça, maintenant. Mes mains tremblèrent légèrement tandis que je désespérais de rencontrer son regard, lire la vérité dans ses prunelles et je retins un soupir frustré quand elle me le refusa.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...