Lorsque nous rejoignîmes le rez-de-chaussée, où résonnaient les voix de Jean-Philippe et d'une femme, Eva eut du mal à avancer. Main dans la main, je dus légèrement tirer sur la sienne pour la faire entrer dans la cuisine tout en serrant ses doigts d'un geste rassurant. Deux paires d'yeux se fixèrent aussitôt sur nous et la pièce plongea dans le silence. Jean-Philippe accouru sur nous, saisissant Eva avec force. Je lui lâchai la main et me dirigeai vers l'évier, déposer la vaisselle sale. Je lorgnai vers celle que je compris être la nouvelle copine d'Hadès.
Nous nous saluâmes d'un signe de tête, mais n'eûmes pas le temps de parfaire les présentations.
— Tu m'as fichu la trouille ! s'exclama le père d'un ton réprobateur.
— Jean-Philippe ! lâcha Hélène, réprobatrice. Change donc de ton, s'il te plait !
J'eus un large sourire, l'appréciant aussitôt. Elle leva les yeux au ciel et me chuchota :
— Hélène, ravie de faire officiellement ta connaissance.
Je ne pouvais qu'imaginer les horreurs qu'elle avait dû entendre sur mon compte et j'eus un sourire contrit en attrapant sa main tendue pour la serrer dans la mienne. Au même moment, Jean-Philippe se tournait vers moi, l'air solennel.
— Merci, lâcha-t-il sobrement.
J'acquiesçai d'un signe de tête et Eva enchaîna, sans le laisser respirer :
— Tu... tu savais, alors ?
Il me fusilla du regard et je levai les yeux au ciel.
— Tu lui as déjà dit ? maugréa-t-il.
— Évidemment, claquai-je sèchement. Ce manège ne sert plus à rien, depuis que j'ai mis les pieds dans sa chambre.
À quoi s'attendait-il ? Que j'embarque ses secrets dans la tombe ? J'en avais assez des miens, je n'allais pas y rajouter sa responsabilité.
— Nous en avions discuté, commença-t-il, irrité. Je ne voulais pas...
— Oh, pitié ! soupirai-je, à peine agacé. Ce n'était pas la priorité quand je suis arrivé tout à l'heure, il me semble. Maintenant, c'est bon : elle sait, vous savez, je sais, tout le monde sait. On passe à autre chose ?
Eva haussa les sourcils, visiblement stupéfaite de la manière dont je parlais aussi familièrement à son père. Je fis comprendre à celui-ci, par mon regard, que je finirais par lui parler de nos échanges, de nos messages, de ses visites chez moi. Il fronça les sourcils, se tourna vers Hélène et Eva lui prit la main. Il baissa les yeux vers elle, visiblement irrité par mon attitude.
— Pourquoi ne pas me l'avoir dit ? demanda-t-elle timidement.
Je plissai les lèvres. Ça lui aurait permis d'être apaisée plus tôt, de ne pas s'inquiéter de notre entrevue, deux jours plus tôt. Ça aurait été plus simple, dès le début. Mais il aimait visiblement se compliquer la vie, embarquant les autres dans son sillage.
— Je voulais que tu le fasses de toi-même, plaida-t-il. Quand tu serais prête.
Je me sentis un peu gêné d'entendre ces confidences. J'échangeai un regard embarrassé avec Hélène et nous nous tournâmes vers la fenêtre d'un mouvement, leur accordant un minimum d'intimité.
— Mais...
— Je savais... je sais comme tu es fragile, l'interrompit-il en se rectifiant. Je ne souhaitais pas te mettre une pression supplémentaire. Tu as réagi tellement violemment quand nous avons discuté de ton copain, après que ta mère a appelé...
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...