Chapitre 20

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En ouvrant la porte de la salle de bain à la volée, je découvris ma petite apprentie recroquevillée sur elle-même, le corps tremblant. Son visage était pâle et je me précipitai sur elle, tandis que son souffle sifflait de manière alarmante. Je reconnus la crise d'angoisse et un frisson glacé dévala mon échine. Mon cœur s'arrêta en voyant la sueur couvrir son front et je posai lentement une main rassurante sur son bras, mais elle se dégagea promptement, comme si mon contact l'avait brûlée. Elle recula, paniquée.

— Ne me touchez pas ! cria-t-elle.

— Eva, tout va bien, tentai-je, tandis que des larmes inondaient ses joues.

Elle ne me voyait pas, ne m'entendais pas et, alors qu'elle luttait pour reprendre son souffle, je vis ses épaules se relâcher et je réagis au quart de tour. Ses yeux se révulsèrent et elle chuta vers l'avant, perdant connaissance. Je la récupérai dans mes bras et me laissai tomber avec elle, amortissant sa chute. Aussitôt, je m'assis à même le sol et posai délicatement sa tête sur mes cuisses, dégageant ses cheveux de son visage.

Pendant que je caressai ses traits, j'entendis sa respiration ralentir et son cœur sembla également se calmer. Je déglutis, en proie à une inquiétude grandissante, tandis qu'elle ne reprenait pas encore ses esprits. Mes pensées me dirigèrent vers la raison de sa violente crise d'angoisse et je sus qu'elle avait eu peur de moi.

Ou plutôt de ce qu'il pouvait se passer dans mon lit. J'aurais dû le voir venir, j'aurais dû refuser qu'elle reste, ce soir, afin qu'elle ait confiance en moi d'abord. Nous avions trop précipité les choses, et voilà qu'elle avait gardé en elle toute sa tension, cette angoisse, cette pression. Je m'en voulais de ne pas avoir vu, de ne pas avoir compris qu'elle risquait d'être à ce point ébranlée par notre nuit ensemble.Tout à mon excitation, je l'avais oubliée.

La plénitude insouciante que je ressentais jusque-là s'envola aussitôt et je me sentis redevenir adulte en un instant. Eva cligna plusieurs fois des yeux et ma résolution s'affirma. J'étais plus conscient que jamais de sa fragilité et, inquiet, je passai une nouvelle fois ma main sur le front de la jeune fille. Elle ouvrit enfin les yeux et fronça les sourcils, l'air perdu.

— Est-ce que ça va ? fis-je aussitôt.

Elle me fixa, mais j'eus le sentiment qu'elle avait du mal à faire le point. Elle fronça les sourcils et esquissa une grimace étrange.

— Je n'en sais rien, admit-elle, la voix cassée.

Elle ferma les yeux et une larme glissa sous ses paupières. Je la redressai et la serrai contre mon torse avec des gestes lents. Son visage dans mon t-shirt, je ne voyais plus la détresse sur ses traits et mon cœur meurtris me remercia.

— Tu m'as fait une peur bleue ! lanchai-je d'un ton douloureux.

— Je suis désolée... Je... Je ne sais pas ce qui s'est passé.

Sa voix n'avait été qu'un murmure, secoué de trémolos et je la serrai plus fort. Elle éclata en sanglots et mon âme se déchira. Dire que j'avais pensé qu'elle allait mieux ! Malgré toute ma patience, notre soirée complice, elle était trop abîmée pour ne pas être secouée par cette nuit. Elle tremblait entre mes bras, pleurant, gémissant contre mon torse et ma gorge se serra.

— Ne pleure pas, mon ange, chuchotai-je douloureusement.

Je voulais tant prendre son fardeau, récupérer ses maux, la soulager. Je me sentais impuissant, pire : je me sentais responsable. Si je l'avais poussée à rentrer avec Chloé, elle ne serait pas là, prostrée de douleur. Je serrai les dents, me promettant de me souvenir de cet instant dès que mes pensées divagueraient. Jamais plus je ne pourrais envisager de la toucher. Pas quand je voyais dans quel état la seule hypothèse la mettait.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant