Chapitre 60

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En arrivant à Eurexpo, mon corps entier était en ébullition. Je savais que la structure était imposante, mais je ne me souvenais pas que c'était à ce point. Je me sentais minuscule et surtout, je commençai à réaliser l'ampleur du monde qui allait entrer dans ce bâtiment. Je suivis les indications que j'avais imprimées pour me guider sur l'emplacement du parking réservé aux candidats et exposants. Un gardien m'orienta vers une place et après avoir pénétré dans l'édifice, puis m'être enregistré à l'entrée, j'enfilai le tour de cou avant de me diriger vers l'espace du concours pour prendre mes marques.

J'entrai dans la salle et mon souffle se coupa en la découvrant. Aussi immense que dans mes souvenirs, elle grouillait déjà de monde. Je n'étais pas le premier, pas le dernier non plus, et certains autres candidats s'affairaient déjà à installer leur matériel. J'eus un regard vers mon futur plan de travail, vide, et frémit. J'avais du pain sur la planche. Un des membres de l'équipe du Sirha m'avisa et me désigna les vestiaires, m'encourageant à me dépêcher. En effet, le Comité International d'Organisation n'aimait pas les traînards. Un regard sur mon téléphone m'informa que Justin arrivait également, m'apportant ce dont j'avais besoin.

En moins d'une demi-heure, j'étais à mon poste. Toque sur la tête, matériel et ustensiles prêts. Je rêvais d'un nouveau café et regrettai celui proposé, dix minutes avant, par la jeune apprentie qui passait vérifier nos derniers besoins. Il était courant que les écoles lyonnaises envoient leurs apprenants sur le salon, jouant le rôle de commis, en fonction des besoins des candidats. Ils n'étaient pas sur le stand avec nous lors de l'épreuve, nous n'avions pas droit à une aide extérieure. Ils nettoyaient les scènes, le matériel, les ustensiles que nous leur confions. En échange, ils avaient l'opportunité de côtoyer les plus grands noms, d'être vus, découverts par de potentiels futurs employeurs.

Équipés de vestes blanches brodées de leurs noms, ils avaient tous une toque avec un fin liseré bleu pour mieux les repérer, leurs noms étaient triés sur le volet et ils n'étaient jamais là par hasard. Des gosses sortant de chez Lenôtre, ou d'autres noms tout aussi réputés. Même si notre école avait été sur les listes des plus prestigieuses du coin, Eva n'aurait eu aucune chance d'être sélectionnée. Masson était trop discret.

Les jurés commençaient à arriver, nous saluant les uns après les autres, sans s'attarder, et quand ils parvinrent devant moi, j'eus droit à des sourires sincères. Je les connaissais tous. Olivier, Brice, Lionel, Frédéric, tous des anciens concurrents lors d'autres concours, ou des membres de l'Ordre Culinaire International. Comme moi. Désormais membre d'honneur, je ne participais plus à leurs activités, je n'entrais plus dans les listes des formateurs, même si je continuais à verser ma cotisation annuelle, ce qui me permettait de conserver ma veste. D'ailleurs, Olivier eut un sourire en désignant le logo de l'Ordre d'un coup de menton.

— Au fait, n'hésite pas à nous en commander une autre à ta taille, glissa-t-il avec chaleur.

— Quoi ? Elle me flatte encore pas mal, non ? me marrai-je.

Il éclata de rire avant de reprendre :

— Elle met en valeur tes jolies poignées d'amour !

Je m'esclaffai à mon tour, le poids dans mon estomac s'allégea légèrement. Cela faisait des années que je n'avais pas vu Olivier, grand chef dans un casino bordelais, mais il était de ceux avec qui j'avais le plus accroché. Avec ses grands yeux noirs, ses cheveux ondulés poivre et sel, il me faisait un peu penser à Pierrick, en plus âgé. Pendant que les autres membres du juré s'éloignaient vers un autre stand, il se pencha vers moi, la mine devenue sérieuse.

— Si tu as vraiment besoin de ce titre pour sortir de ta situation, tu n'as qu'un mot à dire.

Je me redressai, stupéfait, et jetai un œil alentour. Me proposait-il de me favoriser ? C'était illégal !

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant