Ces pensées m'accompagnèrent tout le long de nos conversations. Elle me parla de sa sœur, qui l'avait boudée quand elle avait appris pour ses agressions, de Chloé, avec laquelle elle avait fini par renouer. Elle me remercia timidement pour ça, et nous passâmes un agréable moment, tout juste terni par ma morale qui me rappelait ponctuellement à l'ordre. Je ne pouvais pas faire comme si ce n'était pas grave, mais je tâchais quand même de remiser cette réflexion pour plus tard. J'avais envie de profiter de l'instant, d'être insouciant.
Eva me surprenait tant. Dans sa façon de parler, de bouger, de m'observer du coin de l'œil, j'avais le sentiment qu'elle ne cherchait pas à m'impressionner, mais à vérifier si ce que je voyais me plaisait quand même. Son naturel, que je connaissais déjà, était rafraîchissant. À côté d'elle, de son rayonnement, dans la manière dont elle me regardait, je me sentais plus vivant que jamais.
Je notais tout. Ses mimiques, cette manie de froncer les sourcils quand je faisais un mauvais jeu de mot, ses tics nerveux, quand elle passait sa main dans ses cheveux, ou plissait le nez. Alors, je remarquai aussitôt qu'elle trembla légèrement en se servant un verre d'eau.
— Tout va bien ? demandai-je, inquiet.
Était-ce mon inspection qui l'avait rendue mal à l'aise ? Elle sembla hésiter, se mordit la lèvre et se tourna vers moi, ses grands yeux bleus pleins d'incertitudes.
— Vous avez connu beaucoup de femmes ?
Je retins un éclat de rire, me contentant de pouffer et elle rougit, gênée.
— Au moins, c'est direct comme question ! m'exclamai-je, amusé.
— Je suis désolée, fit-elle en haussant les épaules, les joues toujours rouges d'embarras. Je n'ai pas été livrée avec ce que vous appelez le tact.
J'explosai de rire, incapable de me contenir. Je reposai mon assiette et me déplaçai sur la méridienne, afin de faire face à la jeune fille. Elle s'installa aussitôt en tailleur sur le canapé, mains croisées sur ses jambes. Je pouffai à nouveau et, sans y penser, lui prit la main, la coinçant dans la mienne. Allais-je vraiment devoir parler de mes ex ? Sa question était légitime, elle devait s'inquiéter de ne pas être à la hauteur. Comment la rassurer ?
— Pas beaucoup, non. Seulement deux, répondis-je avec réserve.
— Seulement deux ?
Je retins un rire, flatté qu'elle me pense suffisamment charmant pour collectionner les conquêtes. Mais je n'étais pas de ce genre-là.
— Je suis quelqu'un de sérieux, très chère ! gloussai-je.
Elle pouffa également, les joues un peu moins rouges et je soupirai. Je ne m'étais pas attendu à devoir discuter de tout ça aussi rapidement avec quelqu'un. Avec elle.
— J'ai eu, comme tous les adolescents, une copine à l'époque de l'apprentissage, dis-je en souriant.
J'avais pensé lui faire un clin d'œil complice, mais je me retins.
— Avec laquelle je suis resté quatre ans. Jusqu'à ce que l'on se sépare parce que finalement, nous ne nous aimions plus vraiment. Nous nous sommes séparés en bons termes, nous étions tous les deux en torts, nos cœurs avaient virevolté ailleurs en même temps, ce qui nous a forcément arrangés. C'est là que j'ai commencé à sortir avec celle qui est devenue mon épouse.
Je serrai la mâchoire sans y penser. Reparler d'elle était toujours un calvaire et je dus faire preuve d'une volonté surhumaine pour ne pas crisper les doigts sur ceux d'Eva.
— Nous nous sommes mariés deux ans après le début de notre relation et avons divorcé après sept ans de mariage.
— Pourquoi cela ? demanda-t-elle.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...