Chapitre 2

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Au bout d'un moment, je retournai voir Eva. Elle dormait plus ou moins paisiblement, à la vue de la sueur qui brillait sur son front. Je passai ma main devant son nez et, ne sentant pas son souffle, je dégageai son poignet pour mesurer son pouls. Soulagé, j'allai rapidement récupérer mon manteau pour le glisser sous sa tête avec le plus de délicatesse possible. Elle ne broncha même pas, et c'est avec soulagement que je repris le chemin de mon labo.

Je retournai contrôler quand il fut l'heure pour les garçons de ranger leur matériel et nettoyer leurs plans de travail. Je fus une nouvelle fois rassuré de la voir respirer toujours et un coup dans l'estomac me rappela que je n'aurais pas eu à m'inquiéter si j'avais appelé les secours. Et je me rappelai encore une fois que j'étais un imbécile.

À la sonnerie, je laissai mes apprentis quitter leurs tabliers et la pièce avant de verrouiller celle-ci et me diriger vers les vestiaires pour me changer. Je fis vite, afin de retourner plus rapidement auprès d'Eva et, après une hésitation, je rebroussai chemin jusqu'aux vestiaires des filles, au rez-de-chaussée. Avec un soupir, je m'appliquai à jeter les derniers médicaments dans les toilettes et je ramassai le verre brisé, jetant la poubelle dans les containers au passage, dissimulant les traces de ce qu'avait fait la jeune fille.

En retournant près d'elle, son sac à la main, je l'entendis s'agiter et marmonner dans son sommeil. Je m'approchai alors et m'accroupis à son niveau. Sans un bruit, je l'observai se débattre avec son cauchemar, sans oser intervenir. Les lèvres tremblantes, le front moite, elle semblait terrorisée. Tandis que j'envisageais de la réveiller, elle prononça mon nom.

— Baillet, non ! Me laissez pas seule avec lui !

Sa voix brisée me transperça le cœur et je posai immédiatement ma main sur sa joue. Des larmes étaient en train de couler et je lui caressai la pommette de mon pouce.

— Ne t'en fais pas, je n'irai nulle part, murmurai-je doucement.

Elle poussa un soupir de soulagement et elle s'enfonça à nouveau dans le sommeil.

Ma tête bourdonnait soudain.

J'avais donc vu juste, quelqu'un lui avait fait du mal. Chloé était étrangère à sa douleur et c'est avec un soulagement intense que je réalisai que je n'y étais pour rien également. C'était particulièrement égoïste de ma part d'éprouver du soulagement dans pareille situation, je l'admettais volontiers, mais puisque je n'avais rien à voir avec sa souffrance, je pourrais sans doute l'aider.

Je tins ma promesse et restai près d'elle. Personne ne m'attendait aussi, je n'avais pas d'autres préoccupations qu'elle. J'appelais simplement rapidement Marcus, du self, pour qu'il me garde une assiette au chaud. J'escomptais bien faire manger cette gamine rachitique.

La colère contre moi refit surface. J'aurais dû reconnaitre les signes. Dans ses tenues, dans sa façon d'esquiver les regards, les gens, sa perte de poids, tout indiquait qu'elle était en souffrance. Comment n'avais-je pas pu voir sa détresse plus tôt ? Avais-je simplement refusé l'idée que ce soit à ce point dramatique ? Mon affection pour elle avait-elle troublé mon attention ? Mon manque de recul avait failli causer sa perte, comment pouvais-je prétendre tenir à elle ?

Et ce fut comme si la foudre me frappait.

Parce que je tenais à elle.

Cette vérité n'avait jamais été aussi éclatante.

Elle gémit à nouveau dans son sommeil et se remit à pleurer puis, elle fronça le nez avant d'enfouir sa tête dans mon manteau. Le furieux désir de la prendre dans mes bras pour la voir coller son joli minois dans mon pull me traversa. Je le refoulais aussitôt et Eva s'apaisa soudain, après avoir inhalé profondément. J'aimais à penser que c'était mon odeur qui l'avait apaisée et à nouveau, je refoulais cette idée.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant