Chapitre 14

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J'aurais aimé avoir du temps. Pour préparer ce que j'allais continuer à dire à Philippe, pour préparer le réveil d'Eva, qui allait être mal à l'aise en se retrouvant nez-à-nez avec mon mentor. Je n'avais pas le temps de ménager tout le monde, et j'allais devoir encaisser cette situation complexe. Je m'y étais fourré, à moi de m'en sortir. Je poussai un long soupir et pénétrai dans le salon, m'approchant du canapé.

Avant même d'y parvenir, Eva ouvrit les yeux et me sonda du regard. Clairement, elle avait tout entendu et j'esquissai une moue contrite, tandis qu'elle se redressait, se dégageant du plaid. Je m'agenouillai près d'elle et lui caressai doucement la main.

— Désolé pour tout ça, chuchotai-je, abattu. Tu veux passer par la salle de bain avant d'y aller ?

Elle hocha seulement la tête et se leva du canapé avec des gestes maladroits. Je lui attrapai la main pour la guider et l'entrainai vers l'entrée. Philippe était face à la cafetière, feignant de nous ignorer et je continuai, soulagé de ne pas avoir à affronter son regard réprobateur une nouvelle fois. J'emmenai aussitôt Eva à la salle de bain, rabattant la porte coulissante derrière nous.

— Je suis désolée, dit-elle enfin, d'une voix éteinte. Cette situation, c'est...

— C'est de ma faute, l'interrompis-je aussitôt, glissant ma main dans ses cheveux. Je savais qu'il passait ce matin, nous l'avions convenu ensemble. Tu m'as simplement trop troublé pour que je m'en souvienne.

Mes doigts frôlèrent sa joue et je la vis rosir, visiblement flattée.

— J'ai une brosse à dent neuve, repris-je. Je te l'amène.

Je me penchai en avant, attendant qu'elle fasse les derniers centimètres jusqu'à mes lèvres et nous échangeâmes un baiser léger, mais plein de volupté. J'eus un sourire et quittai la salle de bain. Je me dirigeai aussitôt dans la chambre d'amis, ignorant superbement Philippe, qui devait se demander ce que je fichais, récupérant la brosse à dent encore emballée ainsi qu'une serviette de bain propre, et je rebroussai chemin, le cœur lourd. Il allait bien falloir que je parle avec lui. Je n'avais plus le choix. En retrouvant Eva, je vis qu'elle avait ôté son pull et ses pommettes encore un peu roses m'arrachèrent un sourire attendri. Elle se tourna vers moi en m'apercevant dans le miroir et attrapa ce que je lui tendis.

— Merci, dit-elle avec un sourire.

— Je t'en prie.

J'allais repartir quand je m'interrompis et me retournai vers elle, le sang soudain figé dans mes veines. Je ne les avais pas vues avant parce qu'elle portait continuellement des cols roulés, et j'en compris enfin la raison. Des marques bleues, presque noires, tâchaient son cou, de part et d'autre de celui-ci. Je ne vis pas son mouvement de recul et soudain, elle plaqua sa main sur les marques, mais elles étaient bien plus grandes que sa petite paume et je déglutis d'inconfort en remontant mes yeux vers les siens.

— Tu ne m'avais pas parlé de ça, dis-je difficilement. Est-ce toi qui... ?

Elle secoua la tête et baissa les yeux, visiblement honteuse et mon sang ne fit qu'un tour quand je crus comprendre d'où provenaient les marques. Je m'approchai doucement et levai la main jusqu'à la sienne, qui couvrait sa gorge. Elle ne sembla pas vouloir me laisser voir, alors je la suppliai.

— S'il te plaît...

Elle ferma les yeux et mon estomac se retourna quand elle retira sa main avec lenteur. Prudemment, je passai le bout de mes doigts sur son cou, passant sur les marques d'un côté, puis de l'autre et, après avoir dégluti, je déployai délicatement mes doigts. De ma seule main droite, je recouvris intégralement les marques, qui délimitaient l'emplacement presque exact de mes doigts, et je sus. Eva eut un violent sursaut et j'enlevai aussitôt ma paume, le souffle court.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant