Chapitre 77

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Je n'eus pas le temps de me morfondre. À peine rentré à la maison, Sophie m'appela, me demandant d'organiser l'anniversaire de notre père, chez moi, le week-end suivant. Nous discutâmes pendant près d'une heure avant de convenir d'un cadeau commun, puis un nouvel appel d'un numéro inconnu me fit totalement oublier ma rancœur de ne pas être avec Eva. Un journaliste du magazine le plus populaire chez les artisans pâtissiers me proposait une interview pour une édition spéciale sur le Sirha, et les lauréats français. J'acceptais avec une joie non dissimulée, mon égo et mon moral remontant en flèche. Nous discutâmes peu de temps, mais dès que je raccrochais, mon corps semblait plus léger.

J'osai même commencer à regarder les prix des appartements sur Paris, envoyant un message à Pierrick pour lui demander s'il avait des contacts. Quand il me demanda s'il devait chercher un appartement pour deux, ou seulement pour moi, je ne sus pas quoi répondre et continuai mes recherches de mon côté, sans l'impliquer plus. Il n'était pas nécessaire de le mêler à la complexité de ma relation. Par curiosité plus qu'autre chose, je mis de côté quelques annonces intéressantes, dans l'espoir de pouvoir en parler avec Eva, quand celle-ci serait prête à le faire.

Sur mon nuage, je ne redescendis même pas quand je reçus un message de Chloé, avec une photo d'Eva, habillée pour sa soirée. Une chemise blanche au col élégant, rentrée dans un pantalon noir en similicuir, un court perfecto noir qui flattait sa taille fine et mettait ses épaules en valeur, cette tenue lui allait superbement bien. Elle avait relevé ses cheveux et une demi-queue de cheval, magnifiant son visage légèrement agrémenté d'une touche de maquillage. Elle était à tomber et mon cœur s'affola. J'envoyai tout de suite une réponse.

✉ Luc — [Merci, Chloé, tu es un ange !]

J'en profitai pour envoyer un dernier message à Eva avant de la laisser tranquille pour la soirée.

✉ Luc — [Amuse-toi bien, mon ange. Encore un joyeux anniversaire ❤️]

Je n'hésitai qu'un instant avant de remplacer mon fond d'écran par la nouvelle photo. Un sourire aux lèvres, j'étais tout de même un peu amer, tant j'étais encore dans l'incertitude d'une invitation chez les Vasan. Si son père finissait par m'accepter réellement, rien ne garantissait que ma relation avec Eva durerait jusqu'à son prochain anniversaire. À force de me persuader que nous n'avions pas d'avenir, la crainte de la perte me peinait moins. Avais-je réussi à me blinder, finalement ?

Je réalisais que non, quelques heures plus tard à peine, quand elle m'appela. Il était près d'une heure du matin et, occupé à faire une liste partagée de cadeaux potentiels pour mon père depuis mon lit, afin de nous inspirer, ma sœur et moi, je n'avais pas vu l'heure défiler. En décrochant, surpris par cet appel, je n'eus même pas le temps de dire une phrase, que les mots d'Eva déclenchèrent une série de frissons dans tout mon corps.

— Je veux lui dire que je l'aime.

Sa voix semblait lointaine et elle ne s'adressait visiblement pas à moi. Le cœur battant à tout rompre, j'étais ébranlé. Beaucoup trop. Avais-je seulement été prêt à l'entendre ? Depuis qu'elle m'avait fait ses aveux, dans ma salle de classe, quelques mois auparavant, je n'avais pas réalisé que j'appréhendais qu'elle les renouvelle. Ce soir, j'étais incapable de savoir pourquoi. La fatigue, sans doute ?

— Donne-moi ça ! ordonna la voix d'Andy, impérieuse.

Je me redressai dans mon lit, perplexe. Pourquoi n'entendais-je qu'eux deux ? Que se passait-il ? N'avaient-ils pas réalisé que j'étais réellement à l'autre bout du fil ?

— Non, pleurnicha soudain Eva. Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais, enfin si, mais... je dois... je dois le faire !

— Crois-moi, c'est pas une chose qu'on lâche bourré !

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant