Je ne pouvais que m'imaginer la réaction de ma mère qui, en vraie mère louve, serait une horreur avec Eva. Même si elle avait eut mon âge, elle aurait dû affronter ses regards sombres, qui la jugeraient, la disséqueraient intégralement. Mon ex-femme l'avait blessée, avait fait du mal à son fils, elle aurait du mal à laisser de la place à une autre. Elle aurait du mal à lui faire confiance. Alors avec un tel écart d'âge et nos statuts...
— J'appréhende de les rencontrer un jour, souffla Eva, en écho à mes pensées.
— Tout comme j'appréhende ton père ! répondis-je dans un soupir. Même s'il est fort probable qu'il ne fasse pas le lien entre ton prof et moi. Il ne me reconnaitrait pas.
— Tu penses vraiment qu'il oublierait le visage de celui qui a sauvé la vie sa fille ?
Question rhétorique.
— Ça fait un point en plus en ma faveur, repris-je après un silence.
Pourtant, j'étais certain que rencontrer son père ferait des dégâts. J'étais celui qui avait sauvé sa fille, certes, mais j'étais aussi celui qui couchait avec elle après ses agressions. Qui était en bonne position pour profiter d'elle, comme avait pu le faire Laurent. Je secouai la tête tandis que nous approchions de la station et les discussions redevinrent plus joyeuses.
Évidemment, la petite femme autonome qu'elle désirait tant être voulu payer au moins sa part de la location de matériel, mais c'était sans compter sur mon organisation ! Payés en avance, nous récupérâmes les skis, puis nous dirigeâmes vers les pistes, direction les remontées mécaniques. Si nous passâmes notre temps à nous charrier sur le télésiège lorsque nous étions en compagnie d'autres skieurs, nous profitâmes des moments seuls pour nous bécoter sans retenue.
Nous skiâmes une bonne partie de la matinée, alternant entre le domaine de Megève et celui de Saint Gervais, avant de nous arrêter pour déjeuner dans un restaurant d'altitude. Installés en terrasse, Eva avait largement commenté les tarifs en reprenant le sketch de Gad Elmaleh, faisant éclater de rire un groupe de jeunes adultes près de nous. Ils nous saluèrent en m'appelant « Le Blond » et Eva éclata d'un rire franc.
— J'étais sûre qu'ils remarqueraient tes poils de bras brushingués !
— Mince, démasqué ! répondis-je, hilare.
Nous retournâmes à la voiture en milieu d'après-midi, en prévision de la soirée avec Chloé et Prudence. Je commençai à me sentir un peu nerveux. Me retrouver avec ces jeunes femmes allait être une épreuve, je le sentais. Eva souhaitait me faire valider par ses amies. Même si Chloé cautionnait notre relation, elle ne nous avait jamais vus ensemble plus de cinq minutes, alors j'appréhendais de faire un mauvais pas, et qu'elle le remarque, avant de dissuader Eva de continuer avec moi.
Penser ainsi me rendait un peu amer. J'avais reproché à Eva de si peu considérer mon attachement à elle, pourtant, je faisais exactement la même chose. Pensais-je réellement qu'un seul mot de Chloé pouvait mettre un terme à notre relation ? Avais-je si peu foi en son amour ? J'étais désespérant, mais ma mère avait raison. J'étais probablement encore fragile.
Le silence de la voiture fut interrompu par une inspiration de la jeune femme qui s'était tournée vers moi, mais elle sembla se dégonfler. J'eus un ricanement et roulai des yeux.
— Tu ne sauras pas y mettre les formes, alors vas-y ! lâchai-je, moqueur.
Elle rougit et ça m'intrigua. Qu'avait-elle donc en tête pour être aussi mal à l'aise ?
— Tu n'as vraiment eu personne entre ton divorce et... moi ?
— J'ai déjà répondu à cette question. Si on passait tout de suite à la suivante ? Dis-moi où tu veux en venir.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...