Chapitre 74

169 27 31
                                    

Étaient-ce les battements de mon cœur ou le bruit de mes pas qui cognait à mes oreilles ? Je n'en savais rien. Tout ce que je savais, c'était qu'en suivant Andy dans les couloirs, j'avais le sentiment d'être plongé dans un bain glacé. Mon sang s'était figé, mes poumons étaient douloureux à courir derrière le jeune homme et je manquais de rater une marche dans les escaliers qui menaient à l'étage inférieur. Quand nous bifurquâmes dans le couloir des vestiaires des filles, un frisson dévala ma colonne vertébrale tandis qu'une vision atrocement familière s'imprimait derrière mes paupières. Je passai devant Andy, le bousculant à moitié et entrai dans la pièce, découvrant Eva, frissonnante, larmoyante, recroquevillée dans le coin de la pièce.

Sans y penser, je me jetai aussitôt à genoux sur sol, lui ouvrant mes bras, retenant un soupir soulagé de la voir en vie. Elle se jeta contre moi, le corps secoué de tremblements et je déglutis, essayant de déterminer ce qu'il s'était passé. Je caressai son dos, baisai sa tempe, mais ses pleurs s'intensifièrent et je sentis la crise de panique arriver.

— Tout va bien, mon ange, je suis là, murmurai-je dans un effort vain de la calmer.

Son souffle accélérait et je sentis sa poigne se desserrer, son corps se ramollissant contre moi. Elle allait sombrer. J'attrapai son visage entre mes mains, caressant ses joues de mes pouces et j'embrassai son front, de plus en plus tendu.

— Reste avec moi, Eva, ordonnai-je.

— Je suis désolée, je suis désolée, marmotta-t-elle difficilement.

Ses yeux embués me suppliaient, son visage perdait ses couleurs. Je vis à peine sa lèvre gonflée, ensanglantée, je devais la maintenir à la surface, qu'elle retrouve son souffle.

— Tu n'as pas à t'excuser, dis-je avec douceur. Respire, tout va bien.

Elle agrippa ma veste, luttant pour ne pas perdre connaissance.

— Mais... mais Andy. Il...

— On s'en occupera plus tard.

Je savais ce qu'elle voulait me dire : que je venais de nous exposer, de montrer au jeune homme que j'étais bien plus proche d'elle que je ne l'avais admis. Mes baisers, la façon dont elle se cramponnait à moi, c'était bien trop évident pour nier. Pourtant, ce n'était pas ma priorité.

— Mais..., insista-t-elle dans un gémissement. Il sait...

— Je le savais déjà, interrompit-il soudain.

Je me tournai vers lui, abasourdi. Il haussa les épaules et passa une main derrière sa nuque, gêné.

— Je m'en doute depuis un moment et je vous ai entendu vous disputer, à l'hôtel. Je fumais sur le balcon d'en dessous et...

Il claqua sa langue et nous jeta un regard lourd de reproches.

— Fermez la fenêtre la prochaine fois que vous faites des cochonneries.

Je comprenais mieux à présent cet air renfrogné qu'il m'avait lancé à plusieurs reprises, cette façon qu'il avait eut de me faire comprendre par son attitude qu'il savait. Eva ricana nerveusement tandis que je m'insultai intérieurement. S'il nous avait entendus, est-ce que c'était également le cas pour un autre apprenti ? Justin ? Je frémis légèrement, mettant de côté ce problème. Eva reprit des couleurs et se redressa enfin d'enfouir son nez dans mon cou, inspirant profondément. En posant une main sur sa nuque, je constatai qu'elle tremblait moins, même si elle avait toujours la chair de poule. Je dépliai mes jambes, m'installant à même le sol, déplaçant Eva pour la positionner plus confortablement. Son flanc contre moi, j'appuyai doucement sa tête contre mon torse avant de frotter son dos. Elle était gelée.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant