Chapitre 72

156 33 33
                                    

Je n'eus pas tellement à les gérer pendant les deux heures que dura la visite. Ils étaient très attentifs, très investis, posaient des questions pertinentes, j'étais soulagé et fier d'eux. L'animateur comprit que nous étions du métier et il redoubla d'enthousiasme, définitivement dans son élément. Je n'appris rien, mais les gamins se régalaient visiblement. Nous eûmes droit à une dégustation en fin de visite et nous repartîmes à l'hôtel, où j'annonçai quartier libre pour tout le monde. Je rappelai l'heure du départ pour la gare, leur redonnais le numéro de Justin, au cas où ils se perdaient, mais j'insistai sur la consigne de ne pas s'éloigner.

Je m'esquivai pendant qu'ils discutaient de leurs projets, et rejoignis ma chambre pour récupérer mon appareil photo. Je n'avais pas abandonné l'idée de faire des photos du Jardin des Tuileries. J'étais dans l'ascenseur, dans le sens de la descente, quand je reçus un message d'Eva.

✉ Blanche-Neige — [Quels sont tes projets ?]

Les portes s'ouvrirent avant que je puisse répondre et je relevai la tête, apercevant la jeune femme debout devant l'ascenseur. Je jetai rapidement un œil aux alentours et l'attirai avec moi dans la cabine, actionnant le bouton du quatrième étage. J'attendis que les portes se ferment pour la coincer contre les parois, un sourire mutin aux lèvres. Son soupir m'arracha un frisson et je l'embrassai aussitôt, le corps en feu.

— Mes projets incluaient un lit et une mignardise, soufflai-je entre deux baisers.

Je m'enflammai tout seul. Mes mains glissèrent d'elles-mêmes sous ses vêtements et elle eut un faible gémissement qui me rendit fou. Ma langue dévora la sienne, mon corps n'était plus qu'une boule d'électricité. La faire mienne dans cet ascenseur était terriblement tentant. Quand il s'immobilisa, nous nous séparâmes promptement, comme pris sur le fait. Les joues chaudes, Eva ricana nerveusement en réalisant que personne ne nous avait surpris et elle appuya sur le bouton du troisième étage.

— Que fais-tu ? demandai-je avec étonnement.

Et de la déception, aussi. J'aurais aimé lui faire l'amour encore une fois.

— Pour tes projets, ça ne sera pas possible. Je dois passer dans ma chambre récupérer ma valise et payer l'hôtel.

— T'es sérieuse, tu préfères ça à... moi ? m'insurgeai-je, faussement choqué.

Elle avança dans le couloir, et tourna vers moi avant que les portes se referment.

— On se retrouve en bas ? demanda-t-elle, pleine d'espoir.

Je souris avec amusement et hochai la tête tandis qu'elle disparaissait derrière les pans de métal. De toute façon, je n'étais pas assez fou pour la faire venir une nouvelle fois dans mon lit. N'importe qui pouvait venir toquer à la porte pendant ce quartier libre, et il était hors de question de courir le risque qu'ils entendent mon Eva couiner mon nom. Même si ça avait un côté un peu grisant. Et excitant. Je secouai la tête, reprenant mes esprits. Je devais garder la tête froide jusqu'au départ. Si Justin avait noté à quel point Eva et moi étions proches à l'arrivée, je ne devais plus lui laisser penser qu'il y avait plus.

J'attendis sagement dans le hall, sans nouvelles de la part de Pierrick, ni de Philippe. Ce dernier devait être très occupé avec les classes qu'il devait gérer en mon absence. Il ne s'était pas plaint de la surcharge de travail quand Justin le lui avait demandé, mais je savais qu'il n'avait plus l'âge de s'investir autant. La retraite n'était pas loin, heureusement. Dire que j'allai abandonner Justin presque en même temps que Philippe ! Un élan de culpabilité me tordit le ventre, mais je refoulai aussitôt mon malaise. Je devais penser à moi, à mon futur, à mon bonheur. J'en avais assez bavé pour toute une vie. Je méritai d'essayer d'être heureux.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant