Evangeline [En cours]

Chapitre 65

— J'aimerais qu'on parle d'Evangeline.

Inconsciemment, je m'en étais douté, mais ça n'empêcha pas mon cœur de se mettre à battre furieusement contre mes côtes. Je ne pouvais nier que j'avais été proche d'elle, pendant le trajet, mais je l'avais également été des garçons, ce qui avait suffisamment noyé le poisson. Alors, où avais-je merdé ? L'estomac retourné, je fis de mon mieux pour paraître surpris et je lançai :

— Eva ?

D'après la réaction de Justin, l'étonnement avait été bien dosé et j'en étais soulagé. Il fronça les sourcils, dubitatif et secoua la tête. Il allait me falloir une bonne dose de charme, de sang-froid et un acting à toute épreuve pour me sortir de ce putain de bourbier ! Comedia del arte, me voilà.

— Oui, reprit-il sévèrement. Tu es au courant de la rumeur, j'imagine ? Sur ce qu'elle éprouverait pour toi.

Ainsi donc, il en avait aussi entendu parler. Ce n'était pas surprenant, après tout, il s'agissait de son établissement. Il devait avoir des yeux et des oreilles partout. Ce constat fit dresser mes poils d'angoisse. Qu'avait-il vu, exactement ? Je croisai les bras sur mon torse, prenant un air agacé.

— Justin, dis-moi clairement où tu veux en venir.

— Prend tes distances.

Ce n'était pas précisément ce à quoi je m'étais attendu et je relâchai mes muscles de surprise avant de hausser les sourcils.

— Pourquoi ferais-je ça ?

Sans parler des faits, où il se passait réellement quelque chose entre Eva et moi, il ne pouvait pas demander à un prof d'adapter son comportement en fonction d'une seule élève. C'était trop complexe et c'était faire preuve d'un manque de pédagogie. D'autant que j'avais déjà essayé et n'y étais pas parvenu. Que croyait-il donc ? Il pinça les lèvres, visiblement ennuyé et je crus lire une sorte de gêne dans son regard. De la gêne ou de la répugnance ? Je sentis mon sang se figer de colère.

— C'est...

— Si tu me dis que c'est malsain, je ne réponds plus de rien.

Merde, je n'avais pas prévu d'être aussi véhément.

— Pardon ? hoqueta-t-il.

— Tu crois que je ne me suis pas déjà posé la question ? lançai-je durement. Que je ne me suis pas déjà demandé ce que je pouvais y faire ?

Je n'étais pas capable d'être dans la demi-mesure avec elle. J'avais été plus blessant que responsable, en tentant de m'éloigner d'elle. Il ne s'en doutait pas, mais ce n'était pas la solution. Plus maintenant que j'avais cédé, par ailleurs. Je soufflai d'agacement et il reprit, ferme :

— Je sais que tu as toujours été proche de tes gamins, lança-t-il, comme un reproche. Mais je ne sais pas, avec elle... Ça a l'air différent.

— Elle est différente, précisai-je avec beaucoup de sérieux.

Ce n'était sans doute pas la chose à dire, car il me fixa d'un air sombre.

— Luc, tu parles comme si elle te plaisait.

Si je parvins à retenir un rire crispé, j'esquissai tout de même un sourire en coin. Avant même d'être amoureux d'elle, elle m'avait plu. Par ses manières, son attitude, ses aptitudes innées.

— Tu ne sais pas ce dont elle est capable, elle est vraiment douée ! dis-je avec sincérité.

— Tu es sûr qu'on parle bien que de son talent ?