Chapitre 39

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— Très mal.

Bon sang, je ne m'étais pas attendu à ce que ma voix se casse là-dessus. Je secouai la tête. J'avais soudain très froid. Eva passa ses bras autour de ma nuque et ses lèvres écrasèrent les miennes avec force, me prenant de court. Je lui rendis son étreinte avec une passion dévorante. Son contact me fit du bien, pansa mon cœur et mon esprit et, plutôt que de laisser des pensées sinistres me ronger, d'autres images plus douces, plus érotiques également, passaient sous mes paupières closes.

Nous nous séparâmes, les passants nous esquivaient en râlant, mais je ne les entendais pas. Yeux plongés dans ceux de ma jolie Eva, je pensais à tout ce que je lui dissimulais, pour la protéger. Elle était robuste, je le savais, pourtant j'étais incapable de me lancer, de lui dire, maintenant, ce qui me rongeait. Ce que cette femme m'avait fait endurer. Je caressai sa joue et retins un soupir avant d'attraper sa main, nouant mes doigts aux siens, avant de l'entraîner vers la voiture.

— Comment s'appelle ce bébé alors ? m'interrogea-t-elle d'une voix enjouée.

Forçait-elle ? J'eus un sourire en imaginant que c'était pour ramener la conversation sur quelque chose de plus léger et je l'en remerciai intérieurement.

— C'est une petite Eden, répondis-je avec chaleur. Elle a deux ans et demi et elle est fantastique ! J'essaie d'aller la voir autant que je peux. Ça grandit trop vite ces petites choses. Ma sœur, Sophie, m'a fait parrain.

— Une très grande responsabilité, se moqua-t-elle avec un sourire.

Nous étions arrivés près de ma voiture et je la déverrouillai d'un geste.

— La plus grande ! Celle de la pourrir de cadeaux !

Les questions sérieuses n'étaient pas terminées et elle reprit tandis que nous nous installâmes sur nos sièges.

— Tu n'as jamais pensé à adopter ? hésita-t-elle.

Je haussai les épaules, bouclant ma ceinture. Cette question, je me l'étais déjà posée, mais avant même de l'avoir suggéré à mon ex-femme, elle m'avait quitté. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas raconter ça à Eva. Je n'étais pas prêt. Les lames glacées qui se plantaient dans mon cœur à l'idée de le faire m'en dissuadait.

— Si, lâchai-je en mettant en route le moteur. Mais ce n'est pas pareil.

— Je suis désolée. Ces questions doivent te gêner.

Oui, mais n'avait-elle pas droit à des réponses sincères ?

— Ne t'en fais pas, c'est normal, osai-je répondre. Je t'avoue que je ne suis pas encore prêt à en parler. J'ai eu... beaucoup de mal à tourner la page, à faire taire tout espoir.

Mon élan d'honnêteté et de franchise me surprit, mais je serrai les dents, des souvenirs amers venant perturber mes sens. Je serrai les mains sur le volant quand Eva posa soudain sa main sur mon avant-bras, me faisant légèrement tressaillir.

— Je comprends, glissa-t-elle avec douceur.

Comment le pourrait-elle ? Elle ne connaissait pas le tiers de l'histoire, elle ne savait pas jusqu'à quel point ça m'avait affecté. Elle ignorait tout de ma noirceur. Je ne pouvais pas la blâmer pour cette ignorance, elle était de mon fait. Il faudrait que je profite de cette conversation pour lui le lui révéler, mais je n'en avais pas le courage. J'ouvris la bouche, mais la refermais, à plusieurs reprises, les mots ne voulaient pas sortir, ma gorge se nouait, et j'étais brusquement pris de frissons. Alors, arrivés près de chez elle, après un trajet dans un silence complet, je laissai tomber, attristé et frustré.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant