Chapitre 51

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Après une journée à essayer de travailler sur mon ordinateur portable, pour m'avancer pour la reprise des cours, récupérant au passage les premiers retours de mes apprentis sur le déplacement à Paris, j'avais rejoint Pierrick et Justine chez eux, mon costume sous le bras. Pas question de le salir dans les transports ! Nous passâmes la fin d'après-midi à discuter, veiller sur Louis, qui tentait de s'asseoir tout seul, sans succès, et regarder les dernières créations d'Arthur Bichon, émigré aux États-Unis, et qui faisait des pièces en chocolat d'une beauté incontestable.

Je n'avais pas cessé de penser à ce qu'avait dit Pierrick sur ma relation avec Eva et je ne parvenais pas à déterminer ce qui était le plus perturbant : qu'elle soit un pansement, ou qu'elle ne le soit pas. Dans tous les cas, notre relation était vouée à l'échec. Devais-je en conclure que j'utilisais la jeune femme pour aller mieux ? Devais-je me sentir coupable même si elle m'utilisait, malgré elle, de son côté ? Pourtant, j'étais déjà parvenu à la conclusion que j'étais réellement tombé amoureux d'elle. Pour de mauvaises raisons ?

J'étais mitigé.

Justine nous prodigua ses derniers conseils avant de nous aider à nous préparer et je l'écoutais d'une oreille distraite, l'esprit ailleurs. La soirée était réservée aux professionnels de la restauration du coin et, même si elle avait été invitée par le biais de Pierrick, elle avait décliné pour garder Louis. Elle avait poussé son mari à y aller, pour se montrer, car c'était important pour sa carrière, et il avait cédé. Ils avaient l'air de dissimuler quelque chose et je devenais de plus en plus suspicieux à mesure qu'ils me demandaient mes projets après l'année scolaire, tandis que Justine avisait ma chemise d'un air pincé, avant de me la prendre des mains pour la repasser. Elle s'occupa ensuite de refaire le nœud de cravate de Pierrick, vérifiant même jusqu'aux plis de mon pantalon.

— Tu serais pas devenue un peu maniaque avec l'âge ? me moquai-je soudain.

Elle épousseta une poussière invisible sur l'épaule de son mari et ce dernier se tourna vers moi, affolé.

— C'est elle qui gère ma com' et donc mon image, souffla-t-il. Je serais toi, je ferais profil bas où elle t'arrache la tête.

— Tu es une figure internationale de la pâtisserie, grommela Justine, comme une litanie. Tu vas être photographié sous tous les angles, des clichés qui feront le tour du web en un instant, excuse-moi de vouloir te faire paraître sous ton meilleur jour !

Elle récupéra un pot de crème coiffante, mais Pierrick lui attrapa le poignet, l'interrompant, et lui sourit gentiment.

— Je sais, ma chérie, je te taquine.

Elle commença à discipliner ses cheveux avec soin et je haussai les épaules en m'appuyant contre le mur, amusé par l'image que me présentaient les tourtereaux.

— Autant, je comprends pour Pierrick, mais je ne vois pas pourquoi tu t'enquiquines pour ma propre image, fis-je avec nonchalance. J'ai bien moins de pression que lui.

Ils échangèrent un regard, puis Justine se tourna vers moi.

— Tu vas être vu avec lui, gronda-t-elle en me fixant d'un air menaçant. Hors de question que tu ne rayonnes pas aussi.

Son ton ne souffrait aucune réplique et je me redressai tout en faisant un salut militaire.

— Bien, madame !

Pierrick pouffa, mais elle ne sembla pas goûter la plaisanterie. Elle était nerveuse, bien plus que son mari, qui tentait de la détendre en la faisant rire, mais rien n'y fit. Quand l'heure approcha et que la pression devint trop grande, je m'esquivai à la salle de bain, pour une dernière inspection. Je n'étais pas trop mal. Le costume trois pièces gris clair que j'avais choisi était plutôt bien taillé et flattait ma haute silhouette et ma discrète musculature. Je réajustai mon nœud papillon bleu sombre et soupirai.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant