Chapitre 19

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En revenant au salon, Eva avait raccroché et je pus voir, par-dessus son épaule, qu'elle naviguait sur Instabook et d'un coup d'œil, je reconnus Pierrick et l'une de ses réalisations. Mon estomac se chargea de plomb tandis que mon moral chutait considérablement.

— Encore un brun ténébreux ?

Je m'étais senti obligé de faire la remarque. Pierrick, en plus d'être un excellent pâtissier – le meilleur – était aussi beau garçon. Je me découvrais alors très jaloux. Eva esquissa un sourire innocent, puis me tendit son smartphone pour me montrer les photos et je pinçai les lèvres tout en m'installant à côté d'elle.

— Lui aussi est inaccessible, lança-t-elle, amusée.

Je ne goutais pas la plaisanterie, mon égo en ayant pris un coup. Je fis défiler les images d'un mouvement du doigt et vis qu'elle avait liké plusieurs des photos de Pierrick. Mon cœur sembla rater un battement et je retins un soupir las. Plusieurs émotions m'assaillirent et j'enfilai un masque de neutralité, tâchant de faire le point quelques secondes.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu de photos de mon meilleur ami et je devais reconnaître que l'émotion avait risqué de me faire vaciller. Il n'avait pas changé d'un poil. Hormis de nouveaux tatouages sur son bras gauche et les cheveux plus longs que dans mes souvenirs, il était le même. Un élan de nostalgie m'étreignit et je déglutis.

Ensuite, venait la jalousie. Je savais qu'Eva était admirative de son travail, je ne devrais pas être surpris. Pourtant, voir l'admiration de ma petite apprentie affichée aussi ouvertement me vexait. Elle avait le droit, cependant, mais j'eus la brusque envie de voir cette dévotion dirigée vers moi.

— Pas tant que ça, répondis-je, sans chaleur. Il est même super sympa quand on le connait bien.

— C'est ton cas ? s'exclama-t-elle.

Son enthousiasme me fit esquisser une moue dépitée. Qu'est-ce que j'étais en train de dire ?

— Il a fait son apprentissage ici, je te rappelle, répliquai-je froidement.

Elle fronça les sourcils et je me reprochai mon ton. Elle n'y était pour rien, elle n'avait pas à faire les frais de mon amertume.

— Oui, il y a quelques années. Et ?

— On était dans la même classe.

Je mentais, évidemment. Par omission, certes, mais ça n'en restait pas moins un mensonge. Pierrick Morvan avait été plus que ça. Mon meilleur ami, le frère que je n'avais pas eu. Je lâchai un soupir. Je n'étais pas prêt à plus de confidences. La douleur qui commençait à étreindre mon cœur me poussait à taire le reste.

— Oh.

Elle se mordit la lèvre, semblant abattue et je culpabilisai aussitôt. Mon attitude avait dû refroidir son élan de passion et je me secouai, refusant de la froisser maintenant, alors que nous passions un si bon moment jusque-là.

— Je pourrais te le présenter un jour, si tu veux.

Je savais que c'était dangereux pour moi. Je savais que je risquai gros, à lui faire ce genre de promesses. La présenter à Pierrick signifiait renouer avec lui. Étais-je prêt à ça ? En m'inscrivant au Sirha, je l'espérais presque, alors pourquoi pas ? Eva se redressa, l'enthousiasme revenu, colorant ses joues d'un joli rose.

— Sérieux ? piaffa-t-elle.

Et oui, pourquoi pas ? Ces étoiles dans les yeux m'étaient bien adressées, non ? L'idée de pouvoir lui faire rencontrer son idole la faisait m'adorer encore plus et mon égo meurtri aimait trop ça. Je me rapprochai d'elle, levant ma main sur sa joue, caressant sa lèvre de mon pouce. Son souffle s'arrêta et je me mordis l'intérieur de la joue. Elle était à moi, non ?

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant