Chapitre 7

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Après mon coup de téléphone à Masson, je m'attelai à terminer les comptes-rendus de la semaine de mes apprentis, avant la fin de la journée. Les vendredi après-midi étaient assez denses, pour ça. Des corrections de devoirs, reporter toutes les notes de la semaine, faire des appréciations, c'était fatiguant, nerveusement, et mes yeux brûlaient à la fin de la journée. Ma seule consolation de la soirée fut que j'étais enfin en vacances, et que j'allais pouvoir me reposer, et prendre du recul sur la semaine passée.

En prenant ce poste, suite à l'insistance de Philippe, je ne m'étais jamais imaginé qu'une telle chose pourrait se produire. Je n'avais pas été formé à ça, personne ne pouvait être décemment formé et préparé à ça, une tentative de suicide. Qui plus est, de la part d'une élève qui nous était chère. Je frottai mes yeux fatigués. Je me doutais que je n'étais pas au bout de mes peines avec Eva et j'allais avoir besoin de mes deux semaines de repos pour l'affronter à nouveau.

*****

Comme prévu, je débarquai chez Philippe le dimanche matin pour le repas. Ce fut Maria qui m'accueillit, bras largement ouverts, avant de m'enlacer fermement. Il était étrange d'être accueilli comme le fils prodigue par ce couple-là, mais ça me faisait beaucoup de bien. Elle me poussa jusqu'au salon, où Philippe m'attendait également et elle me servit une bière fraîche, tandis que je la remerciai d'un sourire.

— Trinquons aux vacances ! s'exclama mon aîné en frappant sa bouteille contre la mienne.

Après une gorgée, Maria revint avec des feuilletés salés et je m'enfonçai dans le fauteuil, face au canapé. Aussitôt, je notai un changement dans la pièce et je levai mes yeux vers une verrière, qui se dressait là où il y avait un mur, auparavant.

— C'était pas là, ça ! lançai-je en haussant un sourcil.

— Eh non ! s'amusa Maria, s'asseyant près de son mari. On a fait tomber le mur et mit la verrière pour agrandir l'espace. Maintenant, je peux voir tout le salon depuis ma cuisine !

Je tiquai sur la formulation possessive avant de me rappeler les origines latines de Maria. Il était dans les mœurs de sa famille que ce soit les femmes qui cuisinent. Même si Philippe, pâtissier depuis toujours, avait réussi à s'imposer pour s'occuper des desserts, il était chassé manu militari quand il tentait de faire à manger ! Elle acceptait son aide ponctuelle, mais c'était tout.

Cette ancienne génération de couple m'amusait, dans son fonctionnement, même si je n'étais pas sur la même longueur d'ondes. J'estimais que faire la cuisine à deux était bien plus amusant et créait un lien plus fort, pour le couple, mais ils étaient visiblement heureux ainsi, ayant trouvé leur équilibre. Je les enviais, parfois.

Je les félicitai pour leurs travaux et ils enchainèrent avec ma famille.

— Comment va ta sœur ? demanda Maria en attrapant un feuilleté.

— Très bien, même si Eden la rend chèvre !

Je sortis mon téléphone pour présenter les nouvelles photos de ma nièce à mes hôtes et ils fondirent littéralement. Ma sœur avait créé une merveille, c'était indéniable. Eden, du haut de ses deux ans, charmait tout le monde, avec ses yeux bleus en amande, ses joues roses et ses superbes cheveux ondulés, blonds comme les blés. Un visage d'ange, avec un caractère de cochon. Comme ma sœur au même âge, finalement.

— Elle est tellement jolie ! commenta Maria, attendrie. Elle te ressemble un peu, non ?

Le pincement de mon cœur me prit au dépourvu. J'étais pourtant habitué qu'on me fasse la réflexion, car après tout nous étions du même sang. Mais ce n'était pas ma fille.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant