Chapitre 92

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L'attente était insupportable, encore plus après une autre nuit affreusement courte, remplie de cauchemars. La grève prolongée, je me retrouvai à prendre le premier train de la journée jusqu'à Lyon, qui ne parti qu'à 8h. J'avais fait lever Pierrick aux aurores et il m'avait accompagné jusqu'au bout. Après une nouvelle promesse de le tenir au courant, j'avais sauté dans le train à peine celui-ci arrivé en gare. Bondé, il partit pourtant à l'heure, et on nous annonça alors trois heures de trajet. Je retins un grognement frustré et envoyai tout de suite un message à Jean-Philippe.

Je tentai de rattraper ma nuit comme je pus dans le train, mais le bruit, la foule, le manque de civisme, s'ajoutèrent au stress, et je ne pus fermer l'œil. Si bien qu'une fois arrivé à La Part Dieu, j'étais encore plus irrité qu'au départ. J'avais une heure de battement avant le prochain train et pour m'occuper et par anticipation de ma nuit, que je voulais absolument passer avec Eva, je profitai du centre commercial lyonnais pour faire quelques emplettes. Un jogging, des sous-vêtements à l'effigie de l'OL, un t-shirt uni à manches longues, je pris n'importe quoi, pourvu que ce fut à ma taille.

Enfin, je sautais dans le train pour Annecy et le soulagement m'envahit très vite en m'installant dans le wagon. J'étais tout proche, je commençai à souffler. Les deux heures suivantes passèrent si vite, je ne m'en rendis même pas compte. Je quittai la gare, retrouvai ma voiture, et je fus devant chez Eva à peine un battement de cil plus tard. Sa voiture était garée dans l'allée, à côté de la Tesla de son père. Le portillon était ouvert et je me dirigeai sans traîner jusqu'à la porte d'entrée, où je fis l'effort de sonner en trépignant.

Ce fut Victoria qui m'accueillit en ouvrant de grands yeux surpris.

— Luc ? Mais... papa sait que tu viens ?

— Luc ? répéta sa voix, un peu plus loin.

Il apparut derrière sa fille, l'air éreinté, mais soulagé de me voir. Il me fit signe d'entrer et je m'exécutai sans hésiter.

— Je ne t'attendais pas avant une heure, lâcha-t-il, perplexe.

Je lui avais en effet parlé de faire un crochet à la maison, prétextant vouloir me changer, après une nuit non prévue de plus à Paris.

— J'ai acheté des vêtements de rechange, expliquai-je brièvement. Ça m'a évité de passer chez moi.

Je me déchaussai et levai les yeux vers l'escalier en verre, que je savais mener aux chambres.

— Du changement ?

Sans me répondre, Jean-Philippe secoua juste la tête et j'entendis Victoria renifler. Je posai mon regard sur elle et vis son visage se crisper. Les yeux déjà rougit par les pleurs, elle semblait sur le point de craquer à nouveau. Jean-Philippe posa une main sur ses cheveux, lui caressant avec douceur, l'air tout aussi malheureux.

— T'en fais pas, ma puce, fis-je avec douceur. On va essayer que ça s'arrange.

Elle s'essuya les yeux d'un revers de la main et je me débarrassai de mon pull. Avant de monter, je consultai du regard le paternel, qui hocha la tête, me donnant son consentement. Sans tarder, je grimpai les marches quatre à quatre et me dirigeai sans mal jusqu'à la chambre d'Eva. Devant sa porte, je pris une profonde inspiration. J'avais une idée de ce que j'allais trouver, mais je m'y préparai un peu plus. Je devais être un roc. Je devais être son phare. Sa bouée trouée. Ce n'était pas comme en octobre, cette fois, je pouvais être réellement là pour elle. Sûr de moi, de ma capacité à l'apaiser, je soufflai et j'entrai sans frapper.

La pièce était plongée dans le noir, sans aucune lueur, pas même celui de son réveil. J'entendis son souffle léger et après avoir posé mon sac au sol, je tâtonnai sur le mur, à la recherche de l'interrupteur, en vain. Pestant dans ma barbe, je fis un pas de plus et l'appelai doucement.

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant