J'appuyai la tête contre le mur en fermant les yeux, pestant contre sa manie de ne jamais lâcher l'affaire. Elle savait que je ne pouvais pas répondre ! À quoi s'attendait-elle ? À ce que j'accepte de lui dire que oui, je l'aimais bien ? Dans quel but, sinon la faire souffrir encore une fois ? N'était-elle pas lasse de tout ça ?
— Ce que tu es têtue, lâchai-je au bout d'un moment.
— Pas vous, peut-être ? s'amusa-t-elle en me donnant un coup de coude.
Têtue, mais pas rancunière, visiblement. J'esquissai un sourire en coin et ouvris les yeux sur elle.
— Hm. J'avoue.
Elle haussa les épaules, désinvolte.
— Quand même, il n'y a qu'à moi que ça arrive ce genre de choses, lança-t-elle finalement.
— Hum ?
— Me retrouver enfermée dans un laboratoire à onze heures du soir ! s'exclama-t-elle en désignant la pièce d'un geste de la main. Je dois avoir la poisse, un vrai chat noir.
Amusé, je rentrai dans son jeu.
— Mince ! Et c'est contagieux ? m'inquiétai-je faussement.
— Bah... Vous êtes enfermé aussi.
J'éclatai de rire et elle m'imita aussitôt. Comme c'était agréable de l'entendre rire ! Enfin ! Je la regardai du coin de l'œil, rassuré. Elle était à l'aise, avec moi, et ça me réchauffait le cœur.
— Quand serons-nous libérés ? demanda-t-elle, une fois calmée.
— J'ai pris perpétuité, moi, ricanai-je.
— Tant pis pour vous, répliqua-t-elle avec un sourire. Et pour moi ?
— Les portes se rouvrent à six heures.
Bien trop tôt pour pouvoir se reposer convenablement, mais bien trop tard pour espérer récupérer un minimum dans un vrai lit. Elle hocha pourtant la tête, résolue, et enleva son manteau, me donnant un coup de coude dans les cotes et je fis mine d'avoir le souffle coupé.
— Oh, pardon ! s'excusa-t-elle, inquiète.
— Je survivrais, me moquai-je dans un éclat de rire.
Elle ne répondit pas, haussant simplement les épaules. Est-ce que je l'agaçai ? Cette idée m'amusait. Je l'observai installer son manteau sur ses genoux, en guise de couverture. La température était fraîche, mais je priai intérieurement pour que le four fasse son office rapidement. Les bras croisés, je me sentais incapable de m'endormir, alors je relançai la conversation.
— Pourquoi as-tu choisi la pâtisserie ?
Elle répondit aussitôt :
— J'ai vu un reportage à la télé.
Je baissai les yeux vers elle, sourcils levés et elle pouffa.
— Non, mon grand-père maternel était boulanger. Victoria et moi allions chez lui le mercredi après-midi. Il nous emmenait dans son fournil et pendant qu'il faisait son pain, on se promenait et j'avais l'air d'être la seule à m'intéresser aux pâtisseries. Alors il m'expliquait, me montrait, parfois, m'apprenait sans que je m'en rende compte. C'était bien. Ça me manque un peu.
— Il exerce toujours ? l'interrogeai-je.
— Non, il est décédé y a trois ans d'un infarctus. Il avait soixante-six ans. Il n'a même pas eu le temps de profiter de sa retraite.
— Désolé, soufflai-je, attristé.
— Merci, soupira-t-elle. Je l'aimais beaucoup. Je n'ai jamais connu sa femme, ma grand-mère, elle est morte avant ma naissance. Mon grand-père... C'était vraiment quelqu'un d'extraordinaire. Il m'écoutait, me conseillait. Ça me manque de ne pas avoir un autre adulte que mon père à qui me confier.
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Evangeline [En cours]
Romance[Ne pleure pas mon ange, version Luc Baillet] L'univers de Luc Baillet s'est effondré. Juste en un instant, sa vie a volé en éclat. Il doit reconsidérer sa situation, ses projets, son avenir. Il tente de tout reconstruire, sans conviction, incertain...