Chapitre 91

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Mon corps réagit avant ma tête. Je pivotai, dissimulant Eva, qui s'était crispée dans mes bras. Mon besoin de la protéger me figeait sur place, tandis que celui de me défouler sur cet homme me coupait le souffle. Mes poings serrés, je raffermis ma prise sur Eva, m'empêchant de la lâcher, d'empirer la situation. Mon cœur battait à tout rompre et ma vision se teinta de rouge. Je plongeai mon nez dans ses cheveux, essayant de me calmer, de me concentrer sur elle, son état. Elle allait encore plus plonger avec cet homme dans les parages !

Comme s'il avait envie que je le tue de mes mains, il siffla, pour attirer l'attention de la jeune femme. Je refusai de me tourner, de croiser son regard, ou j'allai flancher. Mapi s'approcha de nous et posa sa main sur les reins d'Eva, faisant barrière de son corps avec moi. Mes oreilles se mirent à bourdonner, mais j'entendis clairement les voix s'élever.

— Qu'est-ce que vous faites ici ? s'insurgea Triballat.

— C'est une blague ?! vociféra Jean-Philippe.

— Emmenez-le, ordonna un autre homme que je ne reconnaissais pas.

— Ça va aller, ma chérie, concentre-toi sur ton souffle, chuchota Marie-Pierre.

Derrière nous, les discussions continuaient et j'essayai de faire abstraction. Surtout quand Laurent appela à nouveau Eva. Je tremblai de rage.

— Je suis désolé, marmonna l'homme inconnu. L'expert l'a convoqué, je ne savais pas qu'il s'agissait d'un confrère du vôtre, ni que vous étiez là aussi...

Était-ce l'avocat de l'autre ordure ? Malgré moi, je tournai la tête, conscient que c'était une erreur. Je vis d'abord l'avocat de Laurent qui discutait avec celui d'Eva, lui-même faisant signe à Jean-Philippe de ne pas s'en mêler. Enfin, je pivotai légèrement et je le vis. Celui qui avait de la vie d'Eva un cauchemar. Entouré de deux gendarmes, les mains liées par de lourdes menottes, il semblait plus négligé que dans mes souvenirs et j'eus un rictus.

Son regard était fixé sur Eva et soudain, je sentis la jeune femme se redresser puis se figer à nouveau. En baissant les yeux vers elle, je compris qu'elle avait aussi levé la tête dans sa direction et leurs regards s'étaient croisés. Son visage dans mon pull, je pus entendre un faible gémissement lui échapper. Une boule de haine dévala mon corps et je frémis.

— Respire, glissai-je avec nervosité. Compte à rebours depuis cent.

J'étais prêt à exploser. Mon envie de frapper n'avait plus été aussi forte depuis longtemps.

— Eva ! cria à nouveau Laurent et elle plaqua aussitôt ses mains sur ses oreilles.

Ne l'écoute pas, m'ordonna mon esprit. Mais c'était trop tard, mes sens exacerbés, je n'entendais que lui, je ne me focalisai plus que sur lui. Il pavanait, il faisait le fier alors qu'il avait brisé une vie. N'avait-il aucune honte, aucune conscience ? Voulait-il mourir de mes mains ?

— Vous avez interdiction de lui adresser la parole, par injonction ! cria Triballat, hors de lui.

J'avais mal aux dents à force de les serrer, mais je gardai le cap, pour Eva, pour ne pas aggraver la situation.

— Allez, ça suffit cette comédie ! continua l'ordure. C'est toi qui m'as allumé ! Je sais que tu as aimé, comme la traînée que tu es !

Mon corps réagit à la place de mon cerveau. Je lâchai brusquement Eva et en deux enjambées, je fus sur lui. Mon poing s'écrasa avec force sur son visage et je sentis les os de son nez se briser sous l'impact. Fou de rage, aveuglé par la haine, je le saisis au col et levai à nouveau le poing, prêt à lui faire définitivement fermer sa gueule, mais un gendarme avait réagi et m'avait saisi au niveau du torse. On m'attrapait le bras droit d'une poigne ferme et dans l'effusion de bras et de cris, j'entendis seulement Jean-Philippe hurler :

Evangeline [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant